DVD Belle de jour de Manoel de Oliveira la maison de mon ami

Editeur : Les films du paradoxe. Février 2008. 1h08. Bonus : Livret d'entretien.

Dans une salle de concert, Husson reconnaît soudain le visage de d'une femme qu'il connaît à quelques fauteuils de distance. Celle-ci le fuit et Husson ne peut que l'apercevoir s'engouffrant dans une voiture. Marchant dans la nuit, il a quelques temps plus tard, la chance de l'apercevoir quittant le bar du Vendôme.Le barman lui communique l'adresse de la dame, l'hôtel Regina des Tuileries. A peine y pénètre-t-il le lendemain matin que la belle s'est enfuie....

 

Belle toujours est une sorte de prolongement du Belle de jour de Bunuel quelques 40 ans après.

Oliveira propose une explication à la perversité de Séverine bien plus romanesque que celle de Bunuel. Celui-ci l'attribuait classiquement à un traumatisme dû à des attouchements subis pendant l'enfance. Séverine comme elle l'affirmait elle-même à Husson était, d'une part amoureuse de son mari et, d'autre part, masochiste. Cela n'avait "rien à voir" disait-elle. Ici Oliveira en fait une infidèle par masochisme amoureux : masochiste, son amour pour son mari, la conduisit à le tromper en secret pour jouir de cet amour.

Pour développer la recherche par Husson, toujours curieux du mystère féminin, du devenir de Séverine, Oliveira déploie la grande forme romanesque : concert de musique classique, plan aérien de Paris de jour puis de nuit. La rencontre aura lieu lorsque, comme leurs vies, les bougies seront presque consumées et la vérité à la merci d'un mensonge de Husson restera, comme à la fin de leur repas, dans le noir.

L'impression mystérieuse et symbolique est renforcée par le choix de lieux. Ceux-ci, intemporels, sont des lieux de passage : salle de concert, bar, hôtel, salon privatif. Le symbolisme des pictogrammes de la signalisation piétonnière aux feux tricolores ou les mannequins dans la vitrine renforcent aussi l'impression d'être hors du temps.

La question de Séverine et la quête de Husson resteront donc sans réponse ou décevante. L'un et l'autre ont changé : l'une cherchant le repos dans la religion, l'autre noyant sa vieillesse dans l'alcool.

Ce désarroi, Husson en avait eu le pressentiment lorsque, après la fuite de Séverine de son hôtel, observant la statue de Jeanne d'Arc, symbole ici de l'inaltérable secret féminin, il n'avait vu que l'œil du cheval le regardant. Le plan suivant sur le haut de la tour Eiffel avec son laser symbolisait alors peut-être pour le spectateur cette même façon non pas de voir et de dominer comme les plans larges de Paris précédant mais le fait d'être vu par Paris. Nous croyons pouvoir connaître mais c'est le mystère, l'incongru, le coq, qui nous regarde.

J. -L. L. le 13/03/2008

 

 

 
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Belle toujours de Manoel de Oliveira