Editeur : Montparnasse, octobre 2011. Durée du film 1h22. 18 €.

Supplément :

  • Bergman en 12 tableaux - Les thèmes bergmaniens détaillés par le journaliste et historien du cinéma N.T. Binh (29 minutes)

 

Une journée de la vie de trois femmes d'horizons différents dans une maternité de Stockholm. L'une est jeune, émancipée, a fui sa famille et ne souhaite pas garder l'enfant (Hjördis). L'autre est sur le point d'annoncer à son mari sa séparation (Cécilia). La dernière, Stina, follement amoureuse de son mari, attend la venue de son fils avec impatience.

 

Une journée de la vie de trois femmes d'horizons différents dans une maternité de Stockholm est pour Bergman l'occasion d'aborder le sujet de la femme devant la maternité. Le choix d'un huis clos dans un décor de studio privilégiant les grands murs blancs plus ou moins éclairés lui permet de scruter les visages de trois de ses plus grandes actrices filmées sans le moindre artifice. Il lui permet aussi de renouveler son thème de prédilection : la solitude n'est qu'un refuge illusoire par rapport aux forces de la vie.

Pas d'enfants pour trois femmes en attente.

Entrée à la clinique à cinq heures du matin, Cecilia sait très vite qu'elle a perdu son enfant. Elle est probablement stérile. Ne s'estimant pas à la hauteur de ce qu'elle s'imagine que la vie de couple nécessite, elle préfère renoncer et demande le divorce. Elle se décrit à Anders comme un être faible dont elle veut le libérer tant elle ne se sent pas douée pour la vie. Celle qui l'attend à la sortie ne lui semble plus qu'hypocrisie : "Toute cette bienveillance qui m'attend quand je sortirai de l'hôpital... Il n'y a pas que les vagins qui s'ouvrent ici. Il y a les êtres humains. Je n'oublierai jamais ce moment. Jamais je n'ai été si proche de la vie mais la vie m'a glissé entre les doigts. La vie s'en est allée sans laisser de traces. Sa belle-sœur lui dira pourtant : "La solitude est une chimère, un numéro d'acrobatie."

Hjördis ne croit plus au lien social. Son amant l'a déjà fait avorter une fois et elle ne veut pas, après l'échec de ce nouvel avortement en tenter un nouveau. L'assistante sociale lui tient un discours raisonnable : "La société suédoise a évolué depuis 30 ans et aide les mères célibataires à élever seule leur enfant. Il y a des aides spécifiques et les soins gratuits. La loi protège l'enfant : un tuteur est nommé et veille à ce que le père paye une bonne pension. Il y a des maisons d'accueil pour vivre avec l'enfant et le tarif des crèches est basés sur le revenu. Il faut néanmoins trouver un travail... L'enfant est un don que tout le monde ne peut avoir". Hjördis lui crie son dégoût : "Vous avez appris cela dans les livres. Votre petit ami ne vous a jamais cureté à la main". Hjördis trouve les enfants odieux et dégoûtants et confie à Brita : "Tout finit mal. J'aimerais ne pas être née".

Stina mange des pommes, range le linge, pouponne les autres. Pourtant, au milieu de cette sureté de cette "féminité triomphante, cuirasse de la féminité" comme Bergman définissait son actrice, elle a le pressentiment du drame : "Une épée transperça mon âme : et s'il ne venait pas ". C'est ce que lui dira le médecin : "Ce n'est pas de votre faute et l'enfant se présentait bien. La vie n'a pas voulu, c'est rare, mais cela arrive".

"Le plus beau paysage que l'on puisse filmer, c'est le visage humain" disait Bergman sa mise en scène privilégie les recadrages sur des visages éclairés dans une lumière qui n'appartient qu'à eux. La mise en scène sert aussi de lien entre les différents personnages et crée, par les déplacements des personnages saisis en plan fixe, cette solidarité dont chacune d'elle a tant besoin. Restent les objets, cruels, pour ces femmes au destin retardé. Verre d'eau, poupée, landau, stéthoscope se détachent d'elles comme la vie, pour l'instant, se refuse à elles.

 

Bergman en 12 tableaux par N.T. Binh (2011, 0h29)

Bergman en 12 tableaux - Les thèmes bergmaniens détaillés par le journaliste et historien du cinéma N.T. Binh (29 minutes) " N.T. Bihn, explore les grandes thématiques d'AU SEUIL DE LA VIE et les replace dans l'univers du réalisateur. VISAGES (magnifiquement filmés ici, les plus beaux paysages humains qu'on puisse filmer selon Bergman mais aussi des " masques " parfois) ; ACTEURS (son amour des actrices, il vit avec Bibi Anderson au moment du tournage d'Au seuil de la vie) ; COUPLE ; VIE (on ne peut pas contrôler entièrement sa vie, il y a un mystère de la vie qui nous dépasse) ; ENFANCE ; SOLITUDE (" La solitude est un numéro d'acrobatie. Une peur constante l'accompagne ". La solitude, c'est l'essence même des personnages de Bergman mais cette dernière peut-être l'occasion d'une renaissance spirituelle) ; HUIS CLOS (un espace scénique presque théâtral dans lequel il nous fait ici pénétrer dans l'univers intime de ces personnages) ; OBJETS ; DIEU (il a " peut-être " perdu la foi mais Dieu est au centre de ses réflexions) ; ESPOIR ; MISE EN SCENE (un film assez dépouillé, avec une mise en scène presqu'invisible, qui fait fonctionner les hors-champs, joue avec les lumières et les sons. Une manière de créer un lien entre ses personnages) ; MUSIQUE (pour lui, une échappatoire aux terreurs de la vie humaine, Au seuil de la vie en est dépourvue, face à la naissance, il s'agit d'affronter la vie).

 

 
présentent
 
Au seuil de la vie d'Ingmar Bergman