Edward Yang

(1947-2007)
8 films
   
   
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Disparu en 2007, Edward Yang fut l’un des chefs de file de la Nouvelle Vague taïwanaise qui apparait au début des années 1980. Il est l’auteur d’une oeuvre qui compte huit longs métrages seulement, dont Une belle journée d'été (1991) ou Yi Yi (2000).

Edward Yang (Yang De-chang), né en 1947 en Chine continentale, a été élevé à Taïwan alors soumis à la dictature du Kuomintang. Il a grandi entre fascination pour les mangas japonais et enthousiasme pour le rock. Parti étudier aux États-Unis, il y devient ingénieur informaticien de pointe, mais aussi amoureux fou de cinéma. à 33 ans il décide de changer de vie, et rentre à Taipei pour faire des films.

Au carrefour des influences chinoises, japonaises, américaines et des nouvelles vagues européennes, Edward Yang a suivi un parcours qui traverse les plus importants courants intellectuels, artistiques et techniques de son époque, et fait de lui sans doute le plus cosmopolite des réalisateurs asiatiques, tout en restant profondément attaché à son pays, Taïwan, et à la culture chinoise.

Peu après son retour à Taipei, Edward Yang réalise un des courts métrages du film collectif, In Our Time (1982), première expression du Nouveau Cinéma taïwanais qui contribuera aussi, lentement, à la mutation démocratique au cours des années 1980 avec l'abolition de la loi martiale en 1987. Dès ce coup d’essai, se manifestent plusieurs caractéristiques de son style, une attention particulière aux personnages féminins, un sens de la mise en scène qui préfère suggérer plutôt qu’énoncer, une utilisation originale de la couleur, des cadres resserrés, et de l’obscurité, ainsi qu’un humour pince-sans-rire. Sa maison de Taipei est alors le quartier général d’un activisme qui croise cinéphilie aventureuse et engagement politique.

Dès son premier long métrage, Ce jour-là, sur la plage (1983), le cinéaste démontre une impressionnante virtuosité dans la construction du récit, un sens plastique très sûr en même temps qu’une capacité à construire une interrogation sur la nature des récits et des représentations. Son film suivant, Taipei Story (1985), dont l’acteur principal n’est autre que Hou Hsiao-hsien, construit à partir des errances et conflits d’un couple dans la grande ville une méditation poétique et politique sur la société taïwanaise à l’heure de basculer dans la modernité mondialisée. The Terrorizer (1986) invente une expérimentation narrative et formelle très sophistiquée autour des protagonistes de plusieurs récits entrecroisés. Une belle journée d'été (1991) est une fresque complexe autour d’un crime commis par un lycéen au début des années 60, sur fond de dictature, de guerre entre gangs adolescents et de fascination pour la culture rock. En quatre heures, Edward Yang y déploie sa capacité à assembler des récits centrés sur de multiples personnages. Le film, qui contribue à lever la loi du silence sur les crimes de la dictature de l’ère Tchang Kaï-chek, est aussi le premier développement accompli d’un autre thème important de son oeuvre, l’enjeu de la transmission, des savoirs et des valeurs, en particulier entre les pères et les fils.

Edward Yang se lance alors dans une construction encore plus complexe, mobilisant pas moins d’une dizaine de personnages principaux, avec Confusion chez Confucius (1994). Il s’agit d’une comédie qui lorgne vers le burlesque, voire le grotesque, en même temps qu’elle recourt aux structures du mélodrame, pour dresser un réquisitoire précis et combatif contre les dérives de la société taïwanaise en plein boom économique. La cruauté du constat est toutefois nuancée, comme souvent chez lui, par la délicatesse et la force des personnages féminins. Sur un mode encore plus extrême, Edward Yang entremêle cette fois les ressorts du film noir et de la comédie loufoque avec Mahjong (1996), troublante sarabande des apparences et des rapports de force autour d’un personnage de jeune Occidentale égarée dans la ville chinoise, jouée par Virginie Ledoyen.

Ambitieux sur le plan formel et toujours conçus à partir de l’idée que le cinéma permet de comprendre la réalité contemporaine, les films d’Edward Yang ne parviennent pas à s’imposer auprès d’un large public. C’est seulement avec son septième long métrage, Yi Yi (2000), que le cinéaste obtient enfin le succès du moins en Occident. Construite autour des membres d’une famille d’aujourd’hui à Taipei, cette vaste composition est sans doute moins provocante dans les mélanges des genres et des tons qui caractérisaient les précédents films. Elle n’est pas moins complexe dans la mise à jour des processus politiques, sociaux et affectifs qui définissent une époque.

Yi Yi, Prix de la mise en scène à Cannes, couvert de lauriers par la critique américaine, semble pouvoir relancer la carrière de son auteur. Hélas, le destin aura voulu que ce soit aussi son dernier film, et que la reconnaissance dont le film a bénéficié soit venue trop tard pour profiter enfin à l’ensemble de son oeuvre, connue et admirée seulement de petits groupes de cinéphiles de par le monde. En France, seuls A Brighter Summer Day et Yi Yi ont été distribués commercialement, le premier dans une version abrégée. Et c’est ainsi qu’aucun de ses films, toujours à part Yi Yi, n’est aujourd’hui disponible en DVD.

Au cours des années 2000, atteint d’un cancer, Edward Yang tente malgré tout de mettre en place de nouveaux projets de films, sans succès. Il développe un site internet où il donne libre cours à son talent de dessinateur et de scénariste, prépare avec son ami Jackie Chan un dessin animé qui devait constituer une avancée dans le domaine du film d’action, The Wind, dont seulement dix minutes ont pu être tournées.Edward Yang est mort le 29 juin 2007, un peu avant ses 60 ans.

Filmographie :

1982 Desires/Expectations

(Guang yin de gu shi) 4e Segment du film collectif In Our Time coréalisé avec Yi Chang, I-Chen Ko, Te-chen Tao. Avec : Shi Anni, Zhang Yingzhen, Wang Qiguang.

Le portrait d’une jeune fille dont la famille accueille un étudiant. Regard sur l’évolution culturelle, sociale et linguistique de la société taïwanaise.

   
1983 Ce jour-là, sur la plage

(Hai tan de yi tian /That Day, on the Beach). Avec : Sylvia Chang, Terry Hu, Steven Hsu. 2h47.

Une jeune fille refuse de laisser son père la marier à un homme qu’elle n’aime pas. Elle quitte le foyer familial et épouse, dans l’urgence, un jeune homme qu’elle a connu au lycée. Un jour, un corps est retrouvé sur la plage et la police accuse son mari du meurtre

   
1985 Taipei Story
(Qing mei zhu ma). Avec : Chin Tsai (Chin), Hou Hsiao-hsien (Lung), Su-Yun Ko (Gwan), Hsiu-Ling Lin (A-Ling). 1h50.

Un couple vit à Taipei, une ville en pleine mutation. Elle est la secrétaire personnelle d’une femme d’affaires et bâtit parallèlement sa propre carrière. Lui vend du tissus et rêve de vivre en Californie. Ils se connaissent depuis toujours mais n’ont jamais songé à se marier.

   
1986 The terrorizers
(Kong bu fen zi). Avec : Cora Miao (Zhou Yufang), Bao-ming Gu (Le policier), Wang An, Shi-Jye Jin (Xiao Shen). 1h49.

Alors qu’elle vient d’échapper à une arrestation, Suzanne se réfugie chez sa mère. Recluse, elle trompe l’ennui en passant des coups de téléphone anonymes. Elle fait croire à une inconnue qu’elle est enceinte de son mari

   
1991 A brighter summer day
(Gu ling jie shao nian sha ren shi jian). Avec : Chen Chang (Xiao Si'r / Zhang Zhen), Lisa Yang (Ming / Liu Zhiming), Kuo-Chu Chang (Le père), Elaine Jin (La mère), Chuan Wang (L'ainée des soeurs). 3h57.

Xiao Si'r entre au lycée, il compte bien faire honneur aux espoirs que son père place en lui. Il y sympathise avec une bande de jeunes à laquelle appartient Ming, une jeune fille dont il tombe amoureux, et se retrouve vite mêlé à des affrontements entre bandes rivales.

   
1994 Confusion chez Confucius

(Du li shi dai/ Confucian Confusion). Avec : Chen Xiangqi, Ni Shujun, David Wang. 2h13.

Pendant deux jours et demi, de jeunes gens essaient de poursuivre leurs rêves et leurs désirs à Taipei, ville phare, à la croisée des chemins entre haute technologie occidentale et valeurs orientales.

   
1996 Mahjong

(Ma jiang). Avec : Chang Chen (Hong Kong), Tang Congsheng (Red Fish), Kaizo Hayashi, Elaine Jin, Virginie Ledoyen (Marthe), T.C. Lin, Carrie Ng. 2h01.

Une bande de jeunes escrocs vivent à Taïpei : Red Fish, Hong Kong, Dentifrice et Renren partagent un appartement mais ont des caractères très différents. Ils pensent être plutôt futés, mais réalisent peu à peu que tout ne tourne pas forcément à leur avantage. De son côté Marthe, amoureuse d’un jeune Anglais, le rejoint à Taipei où il travaille. Mais il a une nouvelle petite amie..

   
2000 Yi Yi

(A one and a two). Avec : Nien-Jen Wu (N.J.), Elaine Jin (Min-Min), Issei Ogata (Ota), Kelly Lee (Ting-Ting), Jonathan Chang (Yang-Yang), Hsi-Sheng Chen (Ah-Di), Su-Yun Ko (Sherry). 2h53.

N. J. Jian, sa femme Min-Min et leurs deux enfants forment une famille moyenne classique. Ils partagent leur appartement de Taipei avec la mère de Min-Min. N. J. a des parts dans une société informatique qui a réalisé des profits importants l'année précédente, mais fera faillite si elle ne change pas de stratégie...