Fantasia

2014

Genre : Drame social

Avec : Ruijie Hu (Xiao Lin), Su Su (La Mère), Xu Zhang (Le Père), Renzi Jian (La Soeur), Ou Li (Mr. Zhou), Zhang Lu (L'homme barbu), Xiaomo Wang (La jeune fille). 1h26.

Chongqing, la ville-montagne, ville-municipalité du Sichuan au confluent du Yangzi et de l'un de ses principaux affluents, le Jialing, 10 millions d'habitants. En périphérie, la vie de la famille Xiao est simple et heureuse. Le père est tourneur dans une usine de roues crénelées, la mère vend des journaux après sa tourné matinale de livreuse de lait en vélo sur les collines du quartier. Lin, le fils, est un élève studieux alors que sa grande sœur vient de faire l'amour pour la première fois.

Tout change lorsque le père est soudain frappé d'une leucémie à un stade avancé. L'entreprise peut heureusement payer l'hospitalisation et la nécessaire transfusion sanguine (20 000 yuans). Le père retrouve un emploi protégé dans l'entreprise comme gardien. Il fête joyeusement ses cinquante ans avec sa famille. Mais un soir, après avoir fait l'amour avec sa femme, il subit une nouvelle crise et doit être hospitalisé. Cette fois encore l'entreprise paie mais le comptable avertit la mère que sa situation financière ne lui permet plus de le faire en intégralité et qu'elle devra régler désormais la moitié de la facture. De retour au travail, le père subit les sarcasmes venimeux des employés "glorieusement licenciés" qui lui envient son emploi protégé. Le père, se sentant  rejeté, ne fait plus même attention en traversant la route.

La mère se démène pour trouver de l’argent : elle obtient 3 000 yuans d'une ancienne camarade de sa troupe d'actrices à laquelle elle explique qu'elle ne peut abandonner celui qui accepta de l'épouser après son divorce et la dissolution de la troupe alors qu'elle avait une petite fille. Son ancien mari, qu'elle n'a pas revu depuis quinze ans, se montre plus dur lui faisant comprendre qu'elle a tort de s'obstiner pour un mourant. Son père lui fait la même remarque. Mais sa mère lui donne toutes ses économies : 30 000 yuans. De son côté, la fille a trouvé un emploi de serveuse grâce aux relations de son petit ami dans une boite de karaoké. Elle doit cependant accepter de se prostituer pour continuer ce métier. Et c'est ainsi qu'un matin, en rentrant en taxi, elle croise sa mère qui, stupéfaite, comprend la situation.

Lin sur le chemin de l'école à croisé un camion de récupération de déchets industriels dont le copilote joue de la trompette. Poursuivant sa route il a repéré le camion près de la rivière où ses propriétaires habitent une péniche. Séchant de plus en plus régulièrement les cours depuis qu'il subit les sarcasmes de ses camardes qui lui font des observations sur la leucémie de son père. Lin demande un emploi auprès de ces marginaux. Il s'absente ainsi de plus en plus souvent de la vie réelle et ne rêve plus que de ce petit monde qui peut se montrer coloré et ensoleillé, à l'image du 'O sole mio, la célèbre chanson napolitaine mondialement connue jouée par le trompettiste. Un jour, il croise son père, errant comme lui dans les rues du quartier et le voit hésitant à se suicider du haut d'un pont.  Déjeunant ensemble, c'est Lin qui paie la note avec l'argent gagné avec les marginaux de la rivière. La sœur offre 10 000 yuans pour payer l'hospitalisation du père à sa mère ce que celle-ci refuse sachant d'où vient l'argent.

La sœur est bientôt enceinte et la mère l'accompagne pour son avortement lui confiant même le bijou que son mari lui donna quand il les prit sous sa protection. Lin apprend que sa sœur a avorté et s'en va menacer son petit copain qui insulte sa sœur et le frappe.

Rentrant chez lui, Lin découvre que son professeur a pris soin de sa mère et l'aide à se remettre de sa prise de sang sur le lit conjugal. Il file à l'hôpital ne sachant s'il doit débrancher le goutte à goutte de son père. Il rêve de le voir heureux, prêt à faire les exercices de gymnastique qu'il devait aimer dans sa jeunesse sous Mao. Mais l'espace de fantaisie s'est réduit pour Lin : le bateau des marginaux est parti. Il ne lui reste plus que l'air de Sol e mio pour lui permettre d'affronter sa dure réalité.

image
image

analyseLe film garde les traces de son premier scénario, intitulé Papa est malade, pour toute sa partie quasi documentaire sur la vie des petites gens à la périphérie d'une mégalopole chinoise soudain déstabilisées par la maladie du père. La longue errance du père suivi par le fils, les scènes à l'hôpital ou à la maison, le stand de vente de journaux ou la boite de karaoké sont constituées de séquences peu scénarisées.

Le physique particulier du jeune acteur principal, apparemment grand propre et lisse, mais aussi mutique et fragile a conduit à lui donner plus d'importance et à développer la partie au bord de la rivière où il erre réellement ou en rêve et qui constitue une sorte d'échappatoire au monde réel. Ces séquences sont filmées à la grue, en plan fixe ou en lents travelings dans une atmosphère irréelle : brouillard accentué avec de longues focales laissant l'arrière-plan des tours dans le flou ou en accentuant la couleur orange des réverbères dans les séquences nocturnes.

Dans le scénario, il était écrit que Lin dans la dernière séquence à l'hôpital, voyait son père partir vers la lumière. Mais au moment du tournage, il manquait de projecteurs pour faire l'appoint supplémentaire de lumière. Wang Chao a donc improvisé cette séquence heureuse de gymnastique, tirée de la 6e série des exercices du matin et pratiquée sous Mao.

Lin semble ainsi saisi d'une vision imaginaire où son père est heureux et l'honneur familial intact. C'est une réponse imaginaire au désarroi qui l'a saisi en découvrant son professeur avec sa mère sur le lit conjugal. Il n'est pas certain du tout qu'il tue son père à l'hôpital. Lin voudrait surtout le voir heureux tout comme il avait choisi de se réfugier auprès de ce père de substitution, en bonne santé, cheveux au vent sur le camion ou trompettiste sur le bateau. L'un et l'autre des pères disparaissent ensuite vraisemblablement. Il ne reste e à Lin que le souvenir de l'air de trompette qui se continue jusqu'au générique. La fin du film, où Lin reste seul au bord de l'eau, peut alors se comprendre comme un équivalent au plan final des 400 coups où le jeune Antoine reste seul devant la mer, en danger, incertain mais raffermi dans son imaginaire.

Jean-Luc Lacuve, le 03/07/2015

Source : Wang Chao au cinéma Lux, le 02/07/2015.

Test du DVD

Editeur : Blaq out. Février 2016. Durée du film : 1h23. Prix public conseillé : 14.95€

Alalyse du DVD

 

Supplément : Entretien avec le réalisateur (8 mn)