2012

Gaëlle est soudain libérée par Vincent, son ravisseur, après huit années d'enfermement. Elle retrouve sa mère, Sabine et son père Yves qui ont tant souffert de sa disparition que, séparés, ils ne peuvent plus vivre aujourd'hui normalement. Gaëlle préfère encore être hospitalisée auprès d'Anne Morellini, une psychiatre compréhensive.

Ses souvenirs des huit années pèsent sur elle mais, progressivement, elle s'en défait et part à l'aventure : elle est toute neuve...

Le film retrace deux parcours : au passé celui d'une construction paradoxale et, au présent, celui d'une fuite nécessaire. Le titre, A moi seule, affirme que Gaëlle se construit seule en dépit des influences très lourdes de son entourage : son kidnappeur, la psychiatre ou chacun de ses deux parents. Mais la dimension du conte noir et cruel n'est pourtant pas absente et, telle un petit chaperon roux ayant échappé à la fois au loup et à la grand-mère, Gaëlle renait toute neuve en n'emportant de son passé que le meilleur.

La construction et la fuite

De l'affaire Natascha Kampusch, cette adolescente autrichienne séquestrée durant des années, Videau ne retient que la situation initiale. Ce qu'il dépeint au passé, c'est une relation de transmission, l'établissement d'un rapport père-fille avec ses règles (punitions en cas de révoltes), ses contraintes (devoirs) et ses attentions généreuses. Ces descentes dans le passé sont a-chronologiques, ressuscitées dans la mémoire de Gaëlle afin de lui montrer qu'elle est la vraie fille de ce père que la vie lui a imposé et non celle de ses parents confinés dans la souffrance.

Cette fuite racontée chronologiquement est en effet rendue nécessaire par la douleur inextinguible des parents, l'envol inexorable du temps, rappelé par l'ancien compagnon de classe, ou encore l'acharnement des psychiatres, fussent-ils compréhensifs, à la juger comme malade.

Et c'est bien le père monstrueux, geôlier devenu victime de sa prisonnière, qui lui offre sa liberté puisque c'est après avoir écouté son adieu apaisé et chaleureux que Gaëlle trouve la force de s'enfuir vers une nouvelle vie.

Un conte nocturne

Ce double parcours se clôt par une belle fuite à travers champs, sous un tunnel piéton, au bord d'une voie ferrée et dans un train avec une Gaëlle décidée et psychologiquement solide. Il ne s'est pourtant pas accompli seulement à la pleine lumière du jour et de la raison.

Une bonne part de la relation entre Gaëlle et Vincent s'est construite la nuit pendant que les autres dorment. Ils peuvent alors se promener ou apprendre à conduire sans crainte d'être pris. Si la nuit fut un temps apprivoisée, elle se révèle aussi le lieu d'une sexualité qui n'est claire que pour Gaëlle, sachant ce qu'elle veut dans cette situation. Vincent doit se résoudre à une situation qu'il ne maitrise plus. Gaëlle mettra de nouveau en scène cette situation en demandant à la psychiatre de l'accompagner dans les bois, sans doute pour lui parler de cette relation sexuelle avec Vincent car cette promenade est interrompue par le flash-back de la relation sexuelle. Celle-ci n'est racontée ni visuellement au passé ni par la voix au présent. Le double dispositif scénaristique accouche ainsi d'un creux, d'un mystère, d'une névrose pour Vincent qui s'aperçoit que son désir s'est transformé avec le temps. C'est probablement ce désir qui s'est creusé en pulsion incontrôlée qui est à l'origine de sa relation violente avec l'ouvrier de la scierie au début. Dans la nuit, Vincent pleure, le temps enfuit et, puisque Gaëlle lui demande de partir, alors il lui offre le choix, stupéfait de la voir prendre le large.

Probablement plus proche dans les films de séquestration et de fuite de la tendresse de La drôlesse (Jacques Doillon, 1979) que du mélodrame baroque de La piel que habito (Pedro Almodovar, 2011), le film de Frédéric Videau s'avère bien plus dense et mystérieux que le récent Martha, Marcy May Marlene, emporté par la flamboyante chevelure d'Agathe Bonitzer qui, même en blonde platine, ne parvient jamais à paraitre "pouffe", seulement dévitalisée avant de renaitre.

Jean-Luc Lacuve le 8/04/2012.

 

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Avec : Agathe Bonitzer (Gaëlle Faroult), Reda Kateb (Vincent Maillard), Hélène Fillières (Anne Morellini), Noémie Lvovsky (Sabine), Jacques Bonnaffé (Yves), Grégory Gadebois (Frank). 1h31.
A moi seule
Genre : Drame psychologique