Mon homme Godfrey
1936

Cornelia Bullock s'extirpe d'une voiture de luxe, suivie de sa soeur Irene, pour chercher un clochard dans la décharge publique de New York. Elles effectuent une "course aux objets" un peu snob et même un peu indécente. Elles doivent ramener un "homme oublié". Cornelia jette son dévolu sur un clochard nommé Godfrey qui la repousse...et la fait tomber sur les ordures. Cornelia s'enfuit mais Irene, un peu ivre, poursuit la conversation et finit par convaincre Godfrey, devenu curieux, de la suivre.

Irene gagne la course aux objets grâce à Godfrey qui ne se prive pas de dire leurs quatre vérités aux grands bourgeois désœuvrés, ignorant de la misère qui les entoure. Irene est tellement contente d'avoir, pour une fois battue, sa soeur qu'elle engage Godfrey comme majordome de la maison familiale et lui donne quelque sous pour s'acheter un costume.

Le lendemain, Molly, la femme de chambre accueille Godfrey sans ménagement sachant qu'il sera viré dans l'heure ou partira de lui-même tant la famille Bullock est impossible à vivre. C'est d'abord Mme Bullock qui réclame son petit déjeuner et Godfrey s'en tire plutot bien en lui trouvant un remède contre la gueule de bois. C'est ensuite Irene qui appelle. Godfrey comprend qu'elle veut faire de lui son "protégé" afin d'imiter sa mère qui "protège" Carlo, un mélomane pique-assiette qui s'est incrusté chez eux. Godfrey doit ensuite affronter Cornelia qui tente de l'humilier en lui faisant poser le genou à terre pour la chausser et qui essaie ensuite de le renvoyer... sans y parvenir car Irene la menace, si elle le fait, de tout révéler de ses aventures galantes assez louches.

Godfrey devient vite indispensable à ce petit monde nanti et protégé. Pour s'en débarrasser Cornelia, cache un collier dans la chambre de Godfrey et déclare le vol. Les policiers appelés sur les lieux, c'est elle qui se trahit. Cornelia a découvert que Godfrey Smith est un nom d'emprunt et que leur majordome est un riche héritier ayant fait de solides études qui a tout lâché par désespoir amoureux.

Grâce à l'amour d'Irene, Godfrey se remet peu à peu de sa douloureuse aventure et a même mis à profit l'argent du collier, qu'il avait mis en lieu sûr avant l'arrivée de la police, pour, d'une part sauver les affaires de son patron, pas très doué pour la spéculation, et, d'autre part, transformer la décharge en bar branché permettant ainsi d'assurer travail et logement aux cinquante clochards qui y habitaient précédemment.

Godfrey pense jouir tranquillement de son nouveau statut mais Irene débarque et, ne lui laissant pas le temps de réfléchir, convainc le maire de les marier.

Le panoramique initial du générique, qui part des immeubles illuminés aux noms des acteurs et techniciens pour aboutir à la décharge fumante de New York, met crûment en lumière la coexistence d'une grande bourgeoise désoeuvrée avec des hommes et des femmes ayant de plus en plus de mal à survivre dans un New York vidé de ses emplois.

La décharge de New York où survivent les clochards est située au pied du Queensboro Bridge, le long de l'East River qui relie l'île de Manhattan et le Queens. C'est la première occurrence de ce célèbre pont dans le cinéma avant Manhattan (Woody Allen, 1979) et Spiderman (Sam Raimi 2001). La grande bourgeoisie se donne, elle, rendez-vous au Waldorf-Ritz et la famille Bullock habite au 1011 dans la 5eme avenue de Manhattan.

Godfrey Smith aurait pu dire comme son contemporain Deeds : "Les gens d'ici sont bizarres : ils s'efforcent tant de vivre qu'ils oublient comment vivre… Je me suis promené en regardant les grands immeubles et j'ai pensé à ce que Thoreau a dit : "Ils ont créé des palaces grandioses, mais ils ont oublié de créer les nobles pour les habiter". Dans Mr. Deeds goes to town (Frank Capra, 1936), l'extravagant monsieur Deeds distribuait sa fortune aux chômeurs. Ici, Godfrey Smith pratique de même et utilise l'agent du collier pour loger et fournir un travail aux cinquante chômeurs qui habitaient la décharge. Celle-ci, une fois remblayée (coût 5 800 dollars), devient une boite de nuit branchée.

Il n'est évidemment pas question pour La Cava d'en appeler à la lutte des classes mais, en exposant crûment la totale inconscience des riches, il fait rire ("Pourquoi vivez-vous dans ce dépotoir alors que c'est plus joli ailleurs ?") tout en faisant prendre conscience de ce qu'a d'inacceptable une telle situation.

La Cava montre dans cette comédie brillantissime, que même la bourgeoise n'a rien à gagner à sa vautrer dans son désoeuvrement et que c'est vivre bien plus intensément que d'être responsable de soi-même et des autres... ce que même la tête de linotte d'Irene finira par découvrir.

Jean-Luc Lacuve, le 05/01/2011

critique du DVD
Editeur : Wild Side Video, janvier 2011. Master restauré. V. O. avec sous-titres français. Durée : 1h45. 10 €.


La collection VINTAGE CLASSICS de Wild Side Video offre aux films tombés dans le domaine public, souvent jusqu'alors très mal édités en DVD, de très beaux masters restaurés constitués avec les meilleures copies existantes.

 

 

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(My man Godfrey). Avec : William Powell (Godfrey Smith), Carole Lombard (Irene Bullock), Gail Patrick (Cornelia Bullock), Eugene Pallette (Alexander Bullock), Alice Brady (Angelica Bullock), Jean Dixon (Molly), Alan Mowbray (Tommy Gray), Mischa Auer (Carlo). 1h35.

Genre : Comédie sociale
Thème : New York