Villa Amalia

2009

Avec : Isabelle Huppert (Ann), Jean-Hugues Anglade (Georges), Xavier Beauvois (Thomas), Clara Bindi (Amalia), Maya Sansa (Giula), Viviana Aliberti (Veri), Michelle Marquais (La mère d'Ann), Peter Arens (Le père d'Ann), Ignazio Oliva (Carlo). 1h31.

Comme la goutte d'eau fait déborder le vase, Ann voit une nuit Thomas embrasser une autre, et elle décide de le quitter, de tout quitter. Elle est musicienne, seule la musique la tient mais ne la retient pas. Elle ne tient qu'à la musique. Avec l'amitié de Georges, surgi de son enfance, elle rompt et fuit, part à la rencontre de son origine et de son destin, trouve une île, là où est la Villa Amalia....

Comme dans A tout de suite (2004) ou L'intouchable (2006), une femme se décide sur un coup de tête à abandonner une vie bien réglée pour partir vers une aventure dont elle finit par ressentir profondément les raisons qu'elle avait de l'entreprendre.

Ann est ainsi aussi contrainte à un détour mental de grande envergure pour retrouver l'identité qui soudain lui fait défaut. La qualité de la mise en scène se mesure alors à l'aune de la subtilité de l'aller et retour entre la conscience intérieure et la réalité.

Cette fois, il ne s'agit pas d'une adolescente qui s'en va mais d'une femme d'une cinquantaine d'années, interprétée avec maestria par Isabelle Huppert. Selon selon sa propre expression, elle "occupe le film de la cave au grenier".

Une surabondance de signes périphériques

Peut-être l'expérience accumulée par Ann nous empêche-t-il d'adhérer au trouble qui est censé la saisir lors de son changement de vie. Les signes extérieurs de la bourgeoisie (changement de sac, de coiffure ou de robe), de la pratique artistique (une note de musique gommée ici ou là, quelques notes égrenées avec condescendance), de l'homosexualité décomplexée (celle de Georges à laquelle fait écho celle vécue avec Giula) et de la judéité (un père solitaire qui n'aime pas l'incarnation chrétienne) ne cessent de remplir le film du début à la fin. Omniprésent, ils rendent la rupture inexistante.

...avec la mort pour seule alternative.

Il est toutefois possible que ce que cherche Ann soit moins le changement que la mort. Cest probablement dans ce sens que Benoît Jacquot tire le roman de Pascal Quignard.

Bien des fois Isabelle Huppert est méconnaissable, un spectre maquillé de rouge. La Villa Amalia a été construite pour une sœur qui est morte et c'est probablement en tant que morte vivante que Ann l'occupe.

Ann peut bien se dire amoureuse de la maison (qui ne le serait pas ?). C'est bien plutôt lorsqu'elle fait la planche à en mourir qu'elle rompt avec les rythmes de ses bras jusqu'alors préparés au concert ou au battement de l'eau pour un crawl qui lui coupe le souffle.

Jean-Luc Lacuve le 20/03/2009.