Les faux-monnayeurs

2010

Téléfilm d'après Le roman d'André Gide. Avec : Melvil Poupaud (Edouard), Patrick Mille (Robert de Passavant), Jules-Angelo Bigarnet (Bernard), Maxime Berger (Olivier), Laurence Cordier (Laura Azaïs), Sandrine Dumas (Pauline). 2h00.

Sur les quais de Seine, Edouard surprend un jeune garçon à voler un vieux guide de voyage chez un bouquiniste. Il lui donne l'argent pour l'acheter. Il l'interroge sur sa vie de famille mais se fait rembarrer : "Dites donc ça vous arrive souvent de reluquer les lycéens", ce qui le fait sourire.

 

Edouard se rend chez sa sœur, Pauline Maulinier pour y déjeuner en famille. Il revient de Londres où il se sent plus disponible pour écrire même s'il a gardé son logis à Paris. Il est revenu pour le mariage de Laura Azaïs avec Félix Douviers, ce que tous semble considérer comme une erreur. Chez sa sœur, Edouard interroge son neveu préféré, Olivier. Il a la surprise de reconnaitre dans son jeune frère, Georges, son voleur de livre de l'après-midi. Tous deux conviennent de ne pas parler de leur rencontre sur les quais. Edouard est aussi venu à Paris pour vérifier la réédition de son premier livre, Terminus qu'Olivier a lu. Il le regretterait presque si son oncle n'acceptait quand même de lui en offrir un second exemplaire dédicacé. Seul manque Vincent, en dernière année de médecine qui passe son temps à soigner le père de Robert de Passavant, écrivain que n'aime guère Edouard. Olivier le trouve "asthénique mais intéressant" puis montre son poème à Edouard qui l'encourage gentiment.

Au jardin du Luxembourg, Edouard a donné rendez-vous à Félix Douviers, le fiancé de Laura Azaïs. Félix remercie Edouard d'avoir encouragé Laura à l'épouser. "Quel absurde besoin a-t-elle eu de lui parler de moi ?" se demande Edouard.

Le mariage au Temple de Laura Azaïs et Félix Douviers, célébré par le propre père de la mariée, le pasteur Azaïs. Edouard s'assoit à côté d'Olivier. "Il ressemble à se pâtre d'un bas-relief dont j'ai la photographie sur mon bureau... Tout en lui m'attire et me demeure mystérieux". En sortant, Edouard explique à Olivier qu'avoir été deux ans au pensionnat du pasteur Azaïs lui a permis de côtoyer facilement Laura. La fête du mariage se prolonge à la pension où Edouard remarque que son prénom accolé à celui de Laura est toujours gravé au revers d'un pilier comme il y a dix ans. Laura lui demande si elle peut toujours compter sur son amitié quoi qu'il arrive. Edouard la lui confirme. Olivier présente Vincent à son oncle qui note sa proximité avec Laura bien qu'il la nie. Edouard voit brièvement le pasteur Azaïs qui s'inquiète du choix de sa fille, surprend Olivier flirtant avec la sœur de Laura et s'attarde avec émotion chez M. La Pérouse. Le vieil organiste supporte mal la décrépitude de la vieillesse. Il pense à se suicider. Il souhaite retrouver Boris, son petit-fils de 13 ans dont le père est mort mais ne sait pas où il est, certainement dans un collège de Varsovie avec sa mère.

Un soir, Edouard suit Olivier. "Ce n'est que lorsqu'il ne me voit pas que j'ose le contempler à loisir. Je le suis parfois dans la rue sans qu'il le sache. Je pars demain pour Londres. J'ai pris la résolution de partir. Il est temps. Ah, si je pouvais ne pas m'emmener!"

Quelques mois plus tard. Vincent, le frère ainé d'Olivier, joue et perd tout ce qu'il peut en compagnie de Robert de Passavant, dont il vient de soigner le père. Il a perdu tout l'argent qu'il s'était promis de donner à Laura qu'il a mise enceinte. Lorsqu'il lui avoue, Laura est effondrée

Bernard Profitendieu, le meilleur ami d'Olivier, seul chez lui, découvre un secret qui est celui de sa vie. Bernard, qui est sur le point de passer son baccalauréat, est tombé par hasard sur des lettres d'amour adressées à sa mère et découvre qu'il est le fruit d'un amour interdit entre cette dernière et un amant de passage. Alors qu'Olivier discute littérature avec ses amis Dhurmer(qui aime les couleurs dans les romans) et Bercail (qui voudrait raconter l'histoire d'un lieu), il voit soudain surgir Bernard qui lui demande de l'héberger pour la nuit.

Albéric Profitendieu en rentrant du bureau découvre la lettre de Bernard qui conçoit un profond mépris pour l'homme qui l'a élevé sans être son géniteur et qu'il pense alors n'avoir jamais aimé. Le soir, Albéric fait lire la lettre de Bernard à sa femme qui regrette alors d'avoir été pardonnée par son mari et d'avoir regagné le domicile conjugale.

Le même soir, Vincent chez Passavant. Celui-ci, dont le père est mort il y a tout juste quater heures sans qu'il manifeste de tristesse, lui donne 5000 francs pour tenter de nouveau sa chance au jeu. Il souhaite la collaboration d'Olivier pour la revue qu'il dirige en sous-main. Il lui donne rendez-vous chez Lady Griffith pour terminer la soirée.

Comme convenu entre eux, Bernard retrouve Olivier dans la chambre qu'il partage avec Georges, son petit frère. Bernard compte définitivement quitter el domicile familial. Discutant avec Olivier, il affirme en parlant de Vincent et sa maitresse : "les bourgeois honnêtes ne pensent pas qu'on puisse être honnête autrement qu'eux. Olivier doit aller chercher à 11h30 son oncle Edouard, qui écrit des "espèces de romans" revenu d'Angleterre

Passavant et lady Lilian Griffith, chez elle, attendent Vincent. Contre toute attente Vincent gagne 50 000 francs au jeu. Lilian Griffith qui avait parié sur sa victoire contre Passavant lui remet une clé pour qu'il passe la nuit avec elle. Passavant en est mortifié.

Édouard ayant déposé sa valise à la consigne de la Gare Saint Lazare et inconsciemment laissé tomber à terre le ticket, Bernard le ramasse et en profite pour s’emparer de la valise. Il fait main basse sur son portefeuille et prend connaissance de son journal intime, ce qui lui permet de savoir où le retrouver, dans un petit hôtel où séjourne sa grande amie Laura. Cette jeune femme se trouve enceinte des œuvres de Vincent, frère d’Olivier, qui l'a abandonnée et la laisse dans la plus grande détresse. Nullement rancunier, Édouard s’amuse de l’aventure de la valise disparue et retrouvée et invite Bernard à un séjour en Suisse avec Laura, lui proposant également d’être son secrétaire. De ce séjour en montagnes, Bernard éprouve un bonheur ineffable, il est épris également de l’écrivain et de la femme délaissée.

Le récit enthousiaste qu’il fait à son ami Olivier rend celui-ci terriblement jaloux et par dépit, celui-ci se laisse séduire par le comte de Passavant, écrivain à la mode, riche, dandy et amateur de garçons mais également cynique et manipulateur. Il convoitait le garçon depuis un moment et profite de ses états d'âme pour se l'accaparer. L'influence du comte sur le garçon est pernicieuse : Olivier devient mauvais, brutal, détestable même aux yeux de ses meilleurs amis. Il finit par s'en rendre compte et sombre dans une dépression noire, sans savoir comment faire machine arrière. Au cours de la soirée d'un club littéraire, les Argonautes, il se saoule et se ridiculise devant tout le monde puis sombre dans une torpeur éthylique. Il est rattrapé et soigné par l'oncle Édouard. Au matin, il tente de se suicider, non pas par désespoir dira-t-il, mais pour des raisons qu'il garde secrètes. Il finira par rester chez son oncle, grâce à la bienveillance de sa mère Pauline qui devine bien les relations affectueuses liant son demi-frère à son fils et qui ne veut pas les détruire. Bernard, quant à lui, au cours d'une discussion avec Laura et Édouard à Saas-Fee en Suisse, comprend que le lien du sang est une fausse valeur, et qu'il doit accepter Profitendieu comme celui qui l'a élevé, et donc comme père.

Boris, le petit-fils de l'organiste, jeune enfant fragile rencontré dans un sanatorium en montagne par Édouard et Bernard est ramené à Paris afin de l'éloigner de la maladie de Bronja, fille de sa doctoresse. Perdu, désespéré, abandonné de tous, y compris d'Édouard, qui s'était pourtant juré de s'en occuper, maltraité par Georges et ses camarades, il se suicide. Tout rentre alors dans l'ordre.

Gide adopte pour son roman, une forme sophistiquée pour l'époque. L'histoire est ainsi en partie racontée dans le journal intime d'un des personnages. Si, dans le film, on voit Edouard écrire dans son journal, Jacquot utilise aussi la voix off comme procédé équivalent à celui du journal intime, notamment pour relever les passages les plus importants du travail d'écrivain ("Rien n'est plus difficile à observer que les êtres en formation. Il ne faudrait pouvoir les regarder que de biais") ou psychologiquement notables ("Quel absurde besoin a-t-elle eu de lui parler de moi ?").

Jacquot qui bénéficie pourtant de la petite forme télévisuelle n'expérimente guère sur la construction narrative. Le roman est remis dans son ordre chronologique et ne débute pas par la découverte par Bernard des lettres de sa mère qui prouvent qu'il est un enfant illégitime (cet épisode intervient après 25' de film).

Jacquot ne joue pas davantage sur les différents sens des Faux-monnayeurs. Il élimine de la narration le trafic de fausse monnaie dans lequel est impliqué Georges à la pension Azaïs et que le père de Bernard a la charge d'élucider. Il n'évoque pas davantage en Suisse la fausse pièce qu'Olivier a acheté en faisant les courses et qui sert de point de départ à la discussion sur l'autre sens de la fausse monnaie du roman : celle qui donne de faux justificatifs aux actions que nous menons. Tout juste est évoqué à cette occasion le titre qui promet un certain type d'action, non totalement orientée vers le désir de l'écrivain de prendre pour sujet les joies et les affres de la création en observant ses contemporains.

Jacquot, en consacrant son premier plan rapproché à Edouard, fait clairement de son interprète principal, Melvil Poupaud, le pivot du film. L'interprétation excellente de Poupaud ne trouve guère de répondant auprès de ses jeunes partenaires. Jacquot a en effet confié à des enfants les rôles des adolescents du roman pour, dit-il, accentuer leur fragilité face aux roueries de leurs ainés. C'est un choix un peu pusillanime et seul, me semble-t-il, Maxime Berger (Olivier) parvient à donner un peu d'épaisseur à son personnage.