Du soleil pour les gueux

2001

Genre : Western

Avec : Isabelle Girardet (Nathalie Sanchez), Alain Guiraudie, Jean-Paul Jourda, Michel Turquin. 0h55.

Par une matinée d'été, Nathalie Sanchez, une jeune coiffeuse au chômage, arrive sur un grand causse à la recherche des bergers d'ounayes. Elle demande sa route à un grand échelas traversant son chemin en courant. Il lui conseille d'aller tout droit hors des "grands axes" du causse. Suivant son conseil, elle coupe à travers le causse. Nathalie Sanchez est alors rattrapée par un autre homme qui court et qui est justement à la poursuite du premier homme croisé.

Nathalie Sanchez demande ensuite à un vieil homme de lui indiquer comment rencontrer un berger. L'homme est justement un berger, Djema Gaouda Lon, qui est à la recherche de son troupeau d'ounayes. Nathalie Sanchez propose de l'accompagner dans sa recherche. Les voilà donc partis pour sillonner le grand causse du Meno Ascodar. Ils croisent de nouveau la route du grand échelas. C'est Carol Izba. Il doit fuir car le grand propriétaire, Chaouch Malines, a recruté pour le tueur le célèbre guerrier de poursuite, Pool Oxanosas Daïpour. Carol Izba explique être un bandit d'escapade, qui vient au secours des faibles. Il avoue avoir tué sans le vouloir, Astana Jolira, la compagne de Chaouch Malines, le tyran du pays. Mais celui-ci a mis un tueur à ses trousses pour les 30 000 crobans qu'il a dérobé par la même occasion. Il doit donc fuir à Montpellier.

En cheminant, Djema Gaouda Lon explique à Nathalie Sanchez la dure vie des bergers d'ounayes. Il risque sa vie s'il ne ramène pas son troupeau. Le cruel Chaouch Malines a coupé les pieds d'un berger qui avait abandonné son troupeau. Il peut déchaîner sa milice de dix guerriers si on lui résiste. Pourtant la vie de berger n'est pas simple. Les ounayes malades mordent au sang le berger qui leur offre ainsi leur bras, seule solution pour qu'ils guérissent. Ils peuvent à l'occasion transmettre une maladie mortelle. La vie de berger est courte : lui même, alors qu'on lui donnerait soixante ans, en a vingt de moins.  Ces enfants lui ont été retirés de force afin qu'ils deviennent bergers dans une région éloignée du causse. Nathalie Sanchez lui demande de se révolter : cent familles de bergers pourraient bien se révolter contre dix guerriers.

Quand Pool Oxanosas Daïpour croise à nouveau leur route, Natalie Sanchez lui reproche de s'être mis au service d'un tyran. Le guerrier de poursuite explique qu'il se met au service de la loi sans réfléchir plus avant puisque cela lui paie 11 mois de vacances dans les iles. De toute façon, il va bientôt réussir à attraper  Carol Izba car il a compris sa stratégie : au lieu de s'éloigner toujours de lui, il bifurque sans cesse.

Quand Djema Gaouda Lon et Nathalie Sanchez croisent à nouveau Carol Izba, celui-ci a renoncé à se rendre à Montpellier : il préfère échapper à son poursuivant en restant dans le causse. Quand le guerrier de poursuite revient vers eux, c'est pour demander de l'eau. Il est épuisé de sa poursuite.

Nathalie Sanchez révèle à Djema Gaouda Lon qu'elle aime ce causse qui lui a toujours fait peur mais aussi l'a aidé à vivre et qu'elle l'aime lui et aimerait qu'il lui fasse l'amour. Djema Gaouda Lon refuse, hésite puis accepte bien volontiers. Mais Nathalie Sanchez est déçue: elle avait beaucoup rêvé de ce moment : comment désormais occuper sa vie ?

De son côté, Pool Oxanosas Daïpour, après avoir refusé un gros contrat en Sibérie négocié avec un gros téléphone rouge, a presque rejoint  Carol Izba. Mais celui-ci court plus vite que lui. Même avec son lasso Pool Oxanosas Daïpour n'arrive pas à le capturer. Carol Izba, s'arrête, repart courir de plus belle et Pool Oxanosas Daïpour s'écroule d'épuisement.

Carol Izba rejoint Djema Gaouda Lon et Nathalie Sanchez. Il explique avoir retrouvé les ounayes et les avoir mis sous la garde d'un ami du village. Il prend des risques en revenant ainsi dans son village puisque Pool Oxanosas Daïpour n'a pas l'intention d'abandonner, mais qu'importe. Après tout, puisque Djema Gaouda Lon ne peut recevoir sa maîtresse chez sa femme, Carol Izba se promet aussi de protéger Nathalie Sanchez. Celle-ci le trouvant beau acceptera sans doute mais d'abord, elle est émerveillée de voir le troupeau d'ounayes. Elle les approche au mépris des conseils de prudence de ses amis.

Matrice de tous les films à venir de Guiraudie, le film débute par un plan de soleil voilé puis totalement obscurci par les nuages avant de laisser apparaitre Nathalie Sanchez marchant sur un long chemin du causse ensoleillé et détournée de cette route par un homme courant dans la diagonale du plan. Le titre du film pourrait ainsi être Du soleil aussi pour les gueux, tant la forme du film est souvent celle de la variation et de la répétition, d'un possible nouveau départ tout à fois prometteur et dangereux. Le causse, lieu de légende mais ausis incarnation de sinquiétudes contemporaines, semble un grand cristal à multiples facettes tantôt éclairées par l'espoir, tantôt obscurcies par la mort, la maladie et la perte.

Une géographie soumise aux variations du temps

Les plaines sauvages et herbeuses du causse et le sol deseiché des cailloux arides sont les seuls deux espaces distinctes du causse mais revisités plusieurs fois par la courses du bandit d'escapade et du guerrier de poursuite et parcourus surtout par des temps changeant, alternance de soleil, de vent et de temps gris par Nathalie Sanchez et Djema Gaouda Lon.

Ces variations atmosphériques recoupent sans les recouvrir les variations d'humeur de Carol Izba, prêt à fuir vers Montpelier ou ne pouvant s'y résoudre ; les variations d'humeur de Pool Oxanosas Daï, ne sachant quel contrat accepter pour préserver ses vacances dans les iles ; les variations d'humeur de Djema Gaouda Lon qui ne sait s'il doit ou non coucher avec Nathalie Sanchez.

Le temps d'accepter le danger.

Pour Nathalie, Le Meno Ascolar, un peu loin dans son existence de coiffeuse à Montpelleir, n'existait pas vraiment. Elle est partie à la poursuite d'un rêve (Ce causse dont j'avais si peur m'aidait à vivre) mais ne sait dorénavant que faire :

Bon j'aurais peut-être mieux fait de rester chez moi parce que maintenant,  je suis un peu déçue. J'avais toujours rêvé de faire l'amour avec un berger, rêvé d'un tel moment. Maintenant que c'est fait, qu'est-ce qu'il y a de possible entre nous ? Comment aller plus loin ?...Vivre pour vivre, même pour passez du bon temps, ça ne me suffit plus... C'est ce qui m'ennuie dans la vie. A part passer le temps de la façon la plus agréable possible, on ne peut rien attendre de mieux... Mais moi je ne suis pas là pour passer le temps. Le temps je le passe. Je suis bien obligé. Je ne peux pas faire autrement mais avouez que si on nous mis là juste pour décorer, juste histoire de dire : sur terre il a des chiens, des hommes et même des vipères qui sont là juste pour passer le temps, alors avouez que ce serait carrément débile. Si en plus, je devais servir à peupler le monde pour que les hommes continuent à passer le temps alors là ça me désespérerait de trop.

Le temps de l'aventure multiplié par la légende poétique et la réalité social.

Si la forme incite à l'éternelle prise de risque, quel que soient les revers possibles, elle se démultiplie en s'incarnant dans le monde du travail le plus contemporain tout en lui apportant une dimension légendaire par la parole poétique.

Même si Djema Gaouda Lon et Nathalie ne font que marcher, la réalité sociale de Nathalie n'est pas oubliée et mê décrite de façon précise : elle gagne 5 500 francs par mois mais il lui faut 2 000 francs de loyer. Quand elle a payé l'électricité, le  téléphone et la nourriture, il lui reste 500 francs pour les clopes, boire un pot, et els disques. Je ne faisais rien, je rentrais chez moi et c'est tout. Pourquoi on vit et qu'est-ce qu'on fait là ?