L'amour

1969

(Amore). 4e segment du film à épisodes La constation (Amore e rabbia ou L'Evangile 70) de Marco Bellochio, Bernardo Bertolluci, Jean-Luc Godard, Carlo Lizzani et Pier Paolo Pasolini. Avec : Christine Guého, Nino Castelnuovo (les enfants prodigues), Catherine Jourdan, Paolo Pozzesi (les témoins). 0h28.

Un jardin sur le toit d’un immeuble. Un homme et une femme observent à distance un couple comme un film et commentent leur histoire interdite qui se défait. Ils questionnent l’amour, la révolution et les pouvoirs du cinéma…

A la fin du film, le témoin homme se souviendra finalement du titre du film qu'il observe avec la jeune femme en rouge : "L'aller et retour des enfants prodigues". L'homme et la femme qu'ils attendaient pour leur mariage vont en effet se séparer et retourner chacun dans leur famille. Sa famille à lui, c'est la révolution, la sienne à elle, la démocratie. Même s'ils s'aiment, les deux ne peuvent pas vivre ensemble... sans doute

Une analyse politique

Pour lui, les Marines à Cuba, la situation à saint Domingue, en Grèce, en Palestine, à Hanoi ou au Congo décident de l'urgence de former un front armé révolutionnaire. Or cette révolution est refusée par les gauches européennes.

Plus tôt avaient aussi été évoqué le Mexique puis Cuba, la Chine qui fera la guerre et conduira l'humanité vers une nouvelle ère. Les peuples se lèveront contre les exploiteurs au Yémen en Bolivie ou au Venezuela

Le cinéma pour mieux observer la vie

Cette séparation fondamentale, il faudra tout le film pour la mettre à jour. Au départ une fausse piste s'était présentée :
-Elle est française et elle quitte sa famille pour lui qui est italien et lui quitte sa famille pour elle.
-Oui ils s'aiment et chacun fait la même chose pour l'autre.
-Et nous qu'est-ce qu'on fait là ?
- On les attend. On les attend parce que l'on sera témoins de leur mariage

Cette première couche vers la vérité était aussi partielle que le chemin vers le titre. "Je l'ai oublié, il y a enfant dedans avait dit l'homme. Pas les enfants terribles, ni humiliés. Pour savoir ce qui se passe, pas besoin de scénario, il suffit de regarder ce qui se passe. Quand on est témoin, on est aussi observateur.

D'autres pistes fusent alors : "Un film d'Eugène Onéguine peut-être de Berthe Morisot ou peut-être un film de Jean-Luc Godard ou peut-être un film de Christian Dior. En tous les cas c'est en techniscope et en Eastmancolor. Et tous les cas oui c'est en Scope et avec des couleurs et avec des acteurs Nino Castelnuovo et Christine Guého. Lui est italien et elle, française ou alors c'est Titus et Berenice, il est arabe, elle est juive. Puis, elle est bourgeoise, n'est pas révolutionnaire. Ils sont donc séparés.

" Vous voyez beaucoup de films mais très peu de cinéma" avait dit l'observateur à l'observatrice. Dans un vieux film de Murnau ou un jeune film de Bertolucci, un jeune film de Dreyer ou vieux film de Rouch on voit passer quelque chose de diffèrent comme un éclair qui serait la vérité du cinéma. Cet éclair nouveau est nécessaire car si le monde court à sa perte c'est qu'après Roosevelt, Churchill ou Staline c'est maintenant De Gaulle, Kossyguine, Johnson, des vieux qui dirigent un monde neuf.

Ecouter l'amour

L'humanité a commencé et finira dans un lit alors se disputer et se séparer.... Il n'y aura pas de mariage certes. Pourtant "Le couple uni par son seul désir, aucun autre chemin ne conduit à la société radieuse de Marx (...) Observer partir et se rapprocher agir et observer tout est question de catégories et de liaisons entre ces catégories : "Si l'existence n'est pas libre, elle devient neutre ou vide. Et si elle est libre, elle est un jeu".

En guise d'espoir le dernier mot du film "Ecoutons les images" ou la chanson de Marie Laforet : "Je t'attends depuis longtemps (...) le temps prend son temps.

Jean-Luc Lacuve le 09/09/2009

critique du DVD
Editeur : Carlotta-Films, septembre 2009. Nouveau master restauré.
Analyse DVD