Indignados
2012

Betty, jeune africaine, débarque clandestinement sur une plage de Grèce. Elle court à travers la garigue et s'écroule dans un champ de blé. Elle pourra bientôt écrire à toute sa famille qu'elle est bien arrivée en Europe. La vie de clandestin n'est pas facile dans ces habitations de fortune près de la voie ferrée désaffectée. un jour, les flics l'arrêtent. On lui prend ses empreintes puis on la laisse sortir.

Betty est parvenue à Paris. Elle croise les indignés de la Bastille et partage les habitats de fortune sous les tentes des SDF parisiens. Elle croise une jeune tunisienne, folle de joie de voir sur son Iphone ses compatriotes faire la révolution. La révolte tunisienne amorcée par le suicide du jeune vendeur de fruits ambulant conduit les tunisiens à dévaler les rues tels des oranges lancées dans une rue en pente. Betty survit en faisant les poubelles des supermarchés. Des indignés ont décidé de lancer des tracts à la Bastille. C'est dans un immense squat désaffecté que Betty les imagine mener leur action pendant qu'une danseuse bat la révolte dans un habit rouge. Dans le métro Betty est arrêté. Ses empreintes révèlent qu'elle est entrée en Europe par la Grèce. Elle est renvoyée en Grèce dans un charter.

Betty survit difficilement en vendant des bouteilles d'eau au détail. Un jeune homme l'aide à franchir les grilles du port. Elle part en bateau et arrive en Espagne. Les manifestants de la Puerta del sol encouragent quelques-uns d'entre eux à installer une banderole en haut d'un immeuble. Une marche de protestation des indignés. Betty donne une pomme à une jeune fille. Elle suit les manifestants jette son sac et se met à les suivre et danser avec eux.

Betty est de nouveau seule. Elle parvient dans une ville fantôme où elle se trouve un abri. Le matin les grilles se referment, la laissant prisonnière de la ville fantôme.

Tony Gatlif s'essaie à l'adaptation du manifeste de Stéphane Hessel, Indignez-vous !, en croisant le destin d'une jeune émigrée clandestine, du printemps arabe et des indignés d'Europe. Il manque néanmoins cruellement de matériel documentaire qu'il compense en multipliant les métaphores. Celles-ci sont cependant souvent approximatives, souvent plus niaises que naïves et délivrent au final un message ambigu.

Un matériel documentaire pauvre

Seules les deux parties en Grèce apportent un témoignage émouvant sur la situation faites aux émigrés avec la vie sur la voie ferrée, les images du centre de rétention et de brèves interviews de clandestins. La partie parisienne montre seulement quelques brefs plans des indignés occupants les marches de la Bastille. Gatlif n'est pas parvenu à filmer les SDF eux-mêmes. Il montre leurs pauvres lieux de sommeil avec, à côté des emplacements vides, les noms de leurs occupants de fortune. La manifestation de La Bastille est remplacée par une mise en scène métaphorique dans un squat.

C'est aussi dans cette partie qu'intervint la révolution tunisienne mais seulement avec des images filmées par d'autres, introduites par le biais d'une vision sur un IPhone.

Des indignés espagnols, on assiste seulement au jour de gloire de la bannière difficilement installée et d'une manifestation où Betty rencontre une jeune fille. Du délogement des indignés français de la Bastille tout comme des indignés de la Puerta del sol, nous n'aurons aucune image.

Des métaphores décevantes

C'est dans la partie parisienne qu'intervient la curieuse métaphore des révolutionnaires comme des oranges qui dévalent une rue en pente sans pouvoir être arrêtées. Cependant, une fois arrivées en bas, leur destin est de prendre le bateau ou de couler dans l'eau. Que veut nous signifier par là Gatlif ? Que même avec la révolution, l'émigration est la solution ? Que celle-ci est parfois dangereuse et conduit à la mort ?

La phrase bien banale de Hessel : "Nous ne voulons pas de la liberté du renard dans le poulailler" fait l'objet de la métaphore littérale d'un renard s'introduisant dans un poulailler. Nous autres, indignés, sommes-nous donc des poules qu'on égorge ? Peut-être.

Les phares de Hessel sont des revendications pour un monde plus juste. Vouloir en faire des slogans se heurte à leur relative faiblesse d'écriture. Leur inscription dans un ciel ou le vent emporte les nuages frise le ridicule. Hessel disposerait-il du souffle divin ?

Là où, finalement, le film se révèle désespérant, c'est que la rencontre entre Betty et la jeune fille à la pomme reste sans lendemain. C'est la plus pauvre qui a fait le don et elle ne reçoit que le fait d'être enfermée dans un pays sans âme... qu'il soit composé, ou non, d'indignés.

Jean-Luc Lacuve le 18/03/2012

 

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Avec : Isabel Vendrell Cortès (Betty). 1h28.