2010

Salma reste froide aux attouchements sexuels que lui prodigue Dacio. Celui-ci lui déclare qu'ils ne sont pas du même monde : elle riche, lui pauvre.

Analia, enseignante dans une classe de lycée professionnelle, raconte à ses jeunes collègues comment elle est harcelée par Dacio, le cancre de sa classe qui ne lui laisse pas une minute de répit. La tension entre la prof et l'élève était montée au point qu'elle s'est effondrée, suscitant les sarcasmes de Dacio. Elle s'en est vengée en le masturbant "comme un balai de chiotte" ce qui le fit éjaculer dans l'instant. "À un moment, c'est comme au foot : t'as pas le choix, tu vas au contact" explique-elle à ses collègues qui désapprouvent néanmoins son attitude irresponsable.

Chris est une jeune photographe originaire du Ghana qui bénéficia de l'adoption par de riches diplomates. Elle se sentit toujours aux marges de la société française. Elle trouva sa voie comme photographe et elle plaqua aussitôt le lycée. Mal lui en pris : elle n'a plus désormais de modèle à photographier. Son grand sujet est en effet les aventures d'un couple. Comment il se fait et se défait. Elle remarqua que l'on choisissait toujours la personne la plus à même de nous faire souffrir. Comme elle-même n'a jamais eu de relation amoureuse, elle décide de se prendre pour modèle et, profitant de l'expérience acquise sur les choix toujours mauvais que l'on fait soi-même, décide de s'en remettre au hasard pour choisir son partenaire d'amour photographique. Armée de son appareil photo, elle le déclenche ainsi au hasard et découvre dans le métro, Dama, un grand jeune et beau noir qu'elle aborde. Elle lui propose une règle de vie commune, interdiction de parler ! Cependant après qu'il lui ait révélé le plaisir et la force de l'intimité sexuelle qu'il génère, elle redoute qu'il ne trouve la règle trop stricte et trop idiote...mais non heureusement, Dama est resté. Chris se ménage des moments de repos sur sa terrasse. Elle se souvient d'une scène de métro. Un habile pickpocket faisait les poches des passagers, remarqué seulement par elle et une autre jeune fille qui, ayant enlevé les affaires précieuses de son portefeuille, se fit voler sciemment par le pickpocket en ayant pris soin de lui laisser, à l'intérieur, son numéro de téléphone.

Ce pickpocket et cette jeune fille ce sont Dacio et Salma. Salma est une adolescente atypique qui recourt à une psychologue pour retrouver un équilibre précaire. Ses riches parents sont partis en voyage et lui ont laissé la garde de sa sœur, Soraya, atteinte de leucémie. Salma se voit léviter dans le métro. La psychologue lui fait admettre qu'elle est la seule à se voir léviter et ne semble pas approuver qu'elle ait quitté le lycée pour garder sa sœur. Salma se dit néanmoins heureuse : depuis quelques temps, elle a un petit copain

Analia, continue de narrer son aventure avec Dacio. Apres leur brève aventure sexuelle, Dacio était revenu doux comme un mouton et suintant de sentiments amoureux. Analia lui avait ordonné de lui faire une demande écrite de proposition sexuelle en échange de sa promesse de coucher avec lui. Dacio s'étant exécuté, elle confisqua le mot comme une arme qu'elle pourrait retourner contre lui si d'aventure il allait raconter qu'elle l'avait masturbé. Ses collèges désapprouvent encore davantage son attitude et, agacée, Analia décide d'appeler Dacio pour lui fixer un rendez-vous par téléphone auquel elle n'a nul intention d'aller.

Dacio, comme l'avait remarqué Selma, joue au dur. Il se désintéresse de ses conversations sur la religion qu'elle a avec Stephen et exige un baiser contre un taff de schitt. Selma obtient de lui des excuses après qu'il se soit emporté quand elle lui donna son baiser. Puis Dacio reçoit un appel au téléphone ; c'est Analia qui lui propose un rendez-vous qu'il accepte. Il abandonne ainsi Salma qui se doute de quelque chose.

Chris est heureuse avec Dama. Ne pas parler a ses avantages : les reproches se font ainsi par mimes avec un nez rouge que chacun porte à tour de rôle. Apres un mois de ce jeu, Chris se met à parler et demande à Dalma de lui dire qui il est. Il lui fait croire qu'il est un permissionnaire en cavale puis lui avoue que non. Chris le met dehors, déçue sans doute que sa première parole fut un mensonge.

Dacio est allé attendre Analia chez elle. Dans la cage d'escalier, il finit par la séduire. Leur étreinte sexuelle est courte et Dacio jouit sans attendre Analia qui, frustrée et déconcerté par l'aube qui approche, lui ferme sa porte.

Dama réussit non sans mal à se faire héberger par sa sœur à laquelle il raconte sa brouille avec Leelop, sa fiancée.

Une assistante sociale était venu constater que Dama n'avait pas le droit au RSA car vivant en couple avec la riche Leelop. Celle-ci a en effet réussi, grâce à lui, son exposition de photos et vit avec lui depuis. Dama n'aime pas le ton condescendant qu'elle a pris pour raconter leur histoire et accuse Leelop, fausse blanche, de n'être pas une vraie noire malgré l'ascendance de ses deux parents. Leelop, écœurée, se met en colère et le chasse.

C'est ainsi que le matin où il est sorti de chez sa sœur sans solution, Dama rencontra Chris, chez qui il fut bien content d'être hébergé.

Un infirmier se présente chez Salma et Saroya. C'est celle-ci qui a contacté une clinique sachant, et le sacrifice de sa sœur, et son nécessaire besoin de soins spécialisés.

Dans sa classe, Analia suscite des regards effrontément concupiscents de la part de ses élèves. Elle comprend que Dacio s'est vanté d'avoir fait l'amour avec elle. Dans un rap incendiaire, elle s'en prend à sa jeunesse sans expérience qui ne connait rien au désir des femmes.

Dama, chassé par Leelop songe sans doute à revenir la voir. Mais Chris regrette sa colère et s'en revient avec son nez rouge demander à Dama de rester avec elle. Celui-ci refuse de se laisser amadouer puis cède. Leelop, inquiète de la disparition de Dama a posé des affiches en ville. C'est alors qu'elle voit Dama embrasser Chris. Les trois jeunes gens s'observent.

Salma revient chez sa psychologue. Elle s'est réveillée ce matin avec des stigmates ce qui la réjouit. Elle se dit enfin prête à revoir le garçon priant qu'elle croisa une fois dans le RER. Sa psychologue lui conseille de se faire interner quelque temps. Salma s'y refuse.

Elle court vers le RER et y rencontre enfin Raïné. Celui-ci est aussi heureux de la voir croyant que c'est enfin le signe de Dieu qu'il attendait. Mais il déchante bien vite devant l'athéisme affirmé de Salma. Il s'en prend à elle. Salma ne sait plus très bien si cette scène se passe dans le RER ou dans une église. Peut-être a-t-elle été frappée par Raïné, peut-être est-elle morte. Plus vraisemblablement, elle n'a jamais revu Raïné qu'elle s'est inventé pour vaincre son effroyable solitude. C'est effondrée sur une banquette de RER qui s'enfonce sous terre qu'elle se rêve ainsi sainte et martyre.

Une jeune femme sexy et border line, une autre tout aussi border line mais qui découvre le plaisir et l'amour et une troisième, plus jeune, qui s'enfonce dans une solitude qui la mène au bord de la folie. Donoma est avant tout le portrait de trois jeunes femmes attachantes aux attitudes théâtrales. Elles surjouent les clichés qu'elles incarnent pour mieux, par moment, révéler leur particulière solitude et profondeur.

Entre grande forme théâtrale et revendication d'amateurisme

Pour ces trois femmes, la parole est une arme, presque leur seul moyen de défense vis à vis de situation d'agression. Alors avec cette parole, elles en font trop. Chacune d'elle le sait et en joue pour se mettre en scène, pour incarner un être fort en dépit de tout. La théâtralité des personnages est filmée avec une caméra qui privilégie la saisie directe de cette parole sans montage, allant de l'un à l'autre des interlocuteurs dans des mouvements rapides, des temps de flou avant la mise au point. Se manifeste alors une envie d'isoler le gros plan du visage d'un arrière-plan laissé dans le flou. Ceci autant par refus d'éclairage d'appoint, qui augmenterait la profondeur de champ, que par soucis d'esthétisme, à la fois simple et marquant. On est ainsi bien loin de la téléréalité, celle du Loft ou de Plus belle la vie aux images aussi soignées qu'artificielles.

La saisie de la parole est l'événement majeur d'un film qui ne cherche sans doute pas à démontrer autre chose que la puissance de vie qui s'y incarne. La construction dramatique est ainsi tenue à distance par la succession des flashes-back dans l'histoire d'Analia, par la narration de la rencontre Salma-Dacio dans le RER après leur premier dialogue au début du film et par la situation de Dama, jeté par son ancienne copine Leelop, expliquée juste après qu'il se soit fait jeté par Chris.

Les scènes de dialogues sont autant de duels marquant l'apprêté du désir : demande amoureuse de Dacio utilisée comme une arme potentielle contre lui ; baiser négocié de Salma ; obligation d'un contrat de relation sans paroles pour Dama. Arrêter enfin la logique de théâtralisation de la vie pour se laisser atteindre par elle est offert à Analia dans la longue scène d'amour dans la cage d'escalier parfois baignée de silence, parfois baignée de noir.

Djinn Carrénard, l'homme-orchestre du cinéma

Les Lumière pensaient que le cinéma était une invention sans avenir, limité à un spectacle de foire. Djinn Carrénard retrouve cette naïveté créatrice première du cinéma et se présente comme la nouvelle attraction, l'homme-orchestre du cinéma.

Il a dans les mains, non une guitare mais une caméra vidéo, dans la bouche, non un harmonica mais une force de conviction qui lui a permis de réunir autour de lui ses formidables comédiens amateurs et, dans le dos, non des grosses caisses mais un plan média moderne et inventif allant de Facebook au bus guérilla qui descend présenter le film dans chacune des villes où il est projeté.

Cette envie de cinéma généreuse (au point de sous titrer en français toutes les copies pour toutes les séances pour ne pas tenir à l'écart du film les sourds et malentendants) force le respect. On notera aussi que le film, tourné en numérique, est projeté au format numérique 1.77 et non artificiellement recadré en 1.85... De quoi, en plus, passer sans aucune bande noire sur nos télés 16/9. L'homme-orchestre voit juste.

Jean-Luc Lacuve le 29/11/2011

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Genre : Drame sentimental
Avec : Salomé Blechmans (Salma), Emilie Derou-Bernal (Analia), Laura Kpegli (Chris), Vincente Perez (Dacio), Sekouba Doucouré (Dama), Djinn Carrénard (Stephen), Matthieu Longatte (Raïné), Laëtitia Lopez (Leelop). 2h13.
Donoma
Djinn Carrénard