Queen and country

2014

Festival de Cannes 2014, quinzaine des réalisateurs Avec : Callum Turner (Bill Rohan), Caleb Landry Jones (Percy Hapgood), Pat Shortt (Redmond), David Thewlis (Bradley), Richard E. Grant (Major Cross), Tamsin Egerton (Ophelia), Vanessa Kirby (Dawn Rohan), Aimee-Ffion Edwards (Sophie Adams). 1h55.

1952. Bill Rohan a 18 ans et l’avenir devant lui. Pourquoi pas avec cette jolie fille qu’il aperçoit sur son vélo depuis la rivière où il nage chaque matin ? Cette idylle naissante est bientôt contrariée lorsqu’il est appelé pour effectuer deux années de service militaire en tant qu’instructeur dans un camp d’entraînement pour jeunes soldats anglais en partance pour la Corée. Bill se lie d’amitié à Percy, un farceur dépourvu de principes. Au lieu d'être envoyés en Corée, ils deviennent sergents instructeurs

Ils ont pour mission de faire cours aux soldats enrôlés pour la Guerre de Corée. Ils complotent pour tenter de faire tomber de son piédestal leur bourreau : le psychorigide Sergent Major Bradley. Bill fait part des articles du Times où le Général MacArthur, commandant en chef, voulait lâcher une bombe atomique sur les Chinois. L’un des appelés qui assistait au cours n’était autre que le fils du leader du parti travailliste. Le jeune homme a refusé de partir en Corée car il leur dit que c’est une guerre immorale. Il est alors arrêté pour avoir « incité un soldat à se détourner de son devoir. »

Percy vole l’horloge du régiment. Tout le monde part alors à sa recherche si bien que le camp se transforme en chaos total

La guerre à sept ans (1987) s'inspirait de l'enfance de Boorman à l’époque du Blitz et, à l’opposé, des jours idylliques passés au bord de la Tamise après avoir fui avec sa mère lorsque leur maison fut détruite. Queen and country se déroule neuf ans après, en 1952, lorsque Boorman est appelé deux ans sous les drapeaux comme tous les autres jeunes garçons de 18 ans en Grande-Bretagne.

En 1994, Michel Ciment notait (Boorman, un visionnaire en son temps, p. 14) que pour John Boorman "S'immerger dans les eaux, c'est y puiser une force nouvelle, car elles représentent l'infinité des possibles, mais aussi le cours de l'existence humaine. Avant de partir pour la côte du Devon, Steve et Dinah plongent dans la piscine (Sauve qui peut, 1965), tout comme Leo dans le bain de la cure collective (Leo the last, 1970) avant de s'éveiller à la réalité du monde. Walker traverse le bras de mer qui conduit d'Alcatraz à la terre ferme (Le point de non-retour, 1967) Ed s'enfonce avec un mort dans le fond de la rivière (Delivrance, 1972) et Perceval avant d'atteindre le Graal se ressource dans un lac (Excalibur, 1981). Enfin l'eau de pluie, convoquée par Tomme et l'orage qui l'accompagne feront céder le barrage de La forêt d'émeraude (1985) et féconderont de nouveau une terre devenue lieu de désolation". En 2014, les rédacteurs d'Eclipses remarquent toujours cette même importance de l'eau dans son dernier film Queen and country, moments de grâce sur la Tamise, au debut avec la vision d'un film se faisant et à la fin avec la caméra fixant les ébats du héros et de Sophie, en passant par le moment réunissant ce héros à Ophélie sur une barque près d'Oxford.

Le film peine toutefois à être autre chose que de charmants souvenirs mis en images, mais trop longs et sans cohérence forte. Certes le dernier plan est celui d 'une caméra, instrument dont se servira abondamment John Boorman. Rien ne le définit cependant auparavant comme un futur cinéaste. Il est cinéphile. Mais les allusions à Laura, Casablanca, Edward G. Robinson, L'inconnu du Nord Express et même l'extrait de Rashomon paraissent s'inscrire dans un parcours plus empirique que relevant de la nécessité. John Boorman n'est devenu cinéaste que parce que les studios de Shepperton était à proximité de son île aimée et protégée du monde ? C'est ce que ce film trop mièvre semble laisser entendre.

Jean-Luc Lacuve le 12/01/2015