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(1684-1721)
Rococo
Le pélerinage à l'île de Cythère 1717 Paris, Louvre.
Le pélerinage à l'île de Cythèrre 1718 Berlin, Palais de Charlottenbourg
Gilles 1719 Paris, Louvre.
L'enseigne de Gersaint 1720 Berlin, Palais de Charlottenbourg
     

Jean Antoine Watteau est né à Valenciennes le 10 octobre 1684 et mort à Nogent-sur-Marne le 18 juillet 1721. Il est un des premiers représentants du mouvement rococo.

Inspiré par la commedia dell'Arte, il aime à représenter le théâtre dans ses tableaux, que ce soit à travers les rideaux lourds ou les thèmes. Ses tableaux les plus célèbres ses deux Pèlerinages à l'île de Cythère (1717 et 1718), Gilles et L'enseigne de Gersaint.

Une des principales sources de renseignements sur sa vie est la biographie rédigée par son ami le comte de Caylus.

Jean-Antoine Watteau est le deuxième des 4 fils de Jean-Philippe Watteau (1660-1720), maître-couvreur, marchand de tuiles, et de Michelle Lardenois (1653-1727).

Vers l’âge de dix ans, il est mis en apprentissage chez Jacques-Albert Gérin, l’un des peintres renommés de la ville. Gérin meurt le 7 juin 1702. Peu de temps après, on trouve le jeune homme à Paris, sans protection, sans ressources, mais décidé à s’en procurer par le travail. Engagé d’abord par un peintre sans client, Métayer, qui ne peut le nourrir, il passe chez un fabricant de peintures, au pont Notre-Dame, qui l’emploie, avec quelques autres apprentis, à copier, en nombreux exemplaires, des images religieuses et des tableaux de genre.

Tout en se livrant à cette besogne insipide moyennant "trois livres par semaine et la soupe tous les jours", Watteau se lie avec un peintre d’Anvers, Jean-Jacques Spoëde, élève de l’Académie royale, et avec Claude Gillot, peintre, dessinateur, graveur, décorateur, d’une verve intarissable et d’une fantaisie originale. "Gillot, ayant vu quelques dessins ou tableaux de Watteau, l’invita à venir demeurer chez lui." L’accord entre le maître et l’élève, d’humeur également vive, ne fut pas de longue durée. Néanmoins, Watteau conserva toujours pour Gillot une grande reconnaissance, car "c’est chez lui qu’il se débrouilla complètement", dira Edmé-François Gersaint. C’est bien chez Gillot, en effet, qu’il prit le goût des scènes de théâtre, des fantaisies galantes, des arabesques à figurines, des mythologies et des singeries, et qu’il s’enhardit dans ses tendances naturelles à observer sans cesse les réalités environnantes et à jouir, en rêveur délicat, du spectacle de la vie mondaine ou rustique.


En 1709, il fut reçu second au prix de Rome. Trois ans plus tard, en 1712, il postula de nouveau. Cette fois-ci, son œuvre fut jugée d’une si grande qualité qu’il fut accepté comme membre de plein droit de l’Académie. Mais ce ne fut qu’en 1717, après cinq années de travaux, qu’il présenta son morceau de réception, le fameux Pélerinage à l'île de Cythère. L’Académie créa un genre spécialement pour lui : la "fête galante".

L'enseigne de Gersaint peinte vers la fin de l'année sort du cadre pastoral habituel pour se situer en plein Paris, au numéro 35 du pont Notre-Dame, adresse du nouvel établissement du marchand Gersaint que Watteau remercia par ce tableau de son hébergement.

Ses amis, parmi lesquels Nicolas Hénin, Gersaint, Antoine de la Roque, Pierre Maurice Haranger, Pierre Crozat et Jean Jullienne, s'alarment de sa négligence concernant son avenir, sa situation financière et son état de santé précaire. En 1719, il avait choisi de partir à Londres, peut-être pour consulter le docteur Richard Mead, un des médecins les plus réputés de l'époque et un admirateur de l'œuvre du peintre. Cependant l'air de Londres ne lui avait pas été d'un grand profit. Après son retour en France et quelques mois à Paris, Watteau passe les derniers mois de sa vie dans la propriété d'un ami de l'abbé Haranger, l'intendant des Menus-Plaisirs Philipe Le Fevre. Il meurt dans les bras de Gersaint en 1721, peut-être des suites de la tuberculose, à l'âge de 37 ans. L'abbé Haranger a raconté que Watteau était à demi conscient et muet durant ses derniers jours, peignant en l'air des figures imaginaires.

Watteau semble dans ses toiles condenser l’esprit de la Régence, alors qu'il ne survécut que six ans à Louis XIV.

Le traitement si original des paysages et des personnages, caractérisé par une atmosphère poétique distincte, par un flou nimbé de tristesse, lui vaudra d’exercer une grande influence sur son siècle et sur le suivant.

Dans un poème écrit en 1838, Théophile Gautier évoque l’atmosphère qui se dégage de l’œuvre de Watteau. Dans sa nouvelle Sylvie publiée pour la première fois dans la Revue des Deux Mondes en 1853, Gérard de Nerval intitule son quatrième chapitre Un Voyage à Cythère. Le narrateur se souvient d'une fête patronale à Senlis et d'une traversée d'un lac dans le goût de Watteau. En 1854, le critique d’art Charles Blanc publie Les Peintres des fêtes galantes, un livre de faible pagination mais à fort tirage. En 1857, Baudelaire consacre un quatrain au peintre dans Les Phares, le mettant au niveau des plus grands maîtres. Puis Verlaine publie en 1869 un recueil intitulé Fêtes galantes, inspiré d’évidence par le tableau de réception de Watteau à l’Académie, Le pélerinage à l'île de Cythère. Les frères Goncourt s’intéressent à l’artiste en 1881 avec leur étude consacrée à L’art au XVIIIe siècle. Ils voient en Watteau "le grand poète" du siècle passé.

Pour autant, le jeune Jean-François Millet rejette cette peinture quand il découvre les musées parisiens vers 1837 : "Watteau non plus n'était pas mon homme. Ce n'était pas le Boucher pornographe, mais c'était un petit monde de théâtre qui me peinait. J'y voyais bien le charme de la palette et la finesse de l'expression et jusqu'à la mélancolie de ces bonshommes de coulisses condamnés à rire. Cependant les marionnettes me rêvenaient sans cesse à l'esprit et je me disais que toute cette petite troupe allait rentrer dans une boîte après le spectacle et y pleurer sa destinée."

Au XXe siècle, certaines toiles gagnent en importance. L’Indifférent est de celles-ci. Rilke lui rend hommage dans Tendres impôts à la France, poème écrit en français. Paul Claudel voit dans le seul personnage de cette huile un "messager de nacre", un "avant-courrier de l’Aurore", dont il compare la démarche à celle du "poète ambigu, inventeur de sa propre prosodie, dont ne sait s’il vole ou s’il marche, son pied, ou cette aile quand il le veut déployée, à aucun élément étranger, que ce soit la terre, ou l’air, ou le feu, ou cette eau pour y nager que l’on appelle éther !" Dans En lisant, en écrivant, Julien Gracq dit de la Chartreuse de Parme de Stendhal que "les paysages de la Lombardie et des Alpes y ont le flou voluptueux et embrumé des paysages de Watteau".

Philippe Sollers professe une grande admiration pour le peintre et le mentionne dans nombre de ses ouvrages : son roman La Fête à Venise, titre notamment choisi en opposition à la nouvelle de Thomas Mann La Mort à Venise, fait aussi écho au tableau de Watteau Fêtes vénitiennes. Sollers a consacré au peintre une monographie en 1992, parue chez Flammarion : Watteau et les femmes.