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Née en 1943
Art autobiographique

Annette Messager, nait le 30 novembre 1943 à Berck. Son père lui fait découvrir l’art ancien et religieux ainsi que l’art brut de Dubuffet. Cet intérêt pour un art populaire et artisanal, pour la folie et l’enfance, restera une constante, tout comme elle gardera les influences de Goya, d’Ensor, de Soutine ou de Bacon, qui présentent des figures grotesques de la condition humaine.

En 1962, elle intègre l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Ses premiers travaux sont des boîtes en forme de maison, inspirées du surréalisme et de Louise Nevelson. Si l’influence de Claes Oldenburg et de ses Stores est flagrante, l’ironie porte spécifiquement sur la figure de la femme comme mythe social. Elle réalise ainsi 56 pseudo-albums privés, adoptant différentes personnalités : celle d’une midinette (Le Mariage de Mlle Annette Messager, 1971), celle de la « femme pratique » (Mes travaux d’aiguille, 1973, musée de Grenoble). Pratiquant une forme d’autofiction flagrante, elle déconstruit à la fois les catégories de « femme » et d’« artiste ». L’acte artistique est souvent réduit à un recopiage obsessionnel ou à une ironique broderie, comme Ma collection de proverbes (1974), anthologie des idées reçues sur les femmes.

Se développant dans le contexte parisien des années 1970, l’œuvre d’Annette Messager, proche de celles d’artistes comme Christian Boltanski (dont elle est l'épouse), Jean Le Gac, Jean-Pierre Le Boul'ch, Sarkis ou Paul-Armand Gette, relève de ces démarches singulières qualifiées de « mythologies individuelles », expression employée pour la première fois en 1972 par Harald Szeemann, commissaire de la Documenta. Hostiles à tout académisme, de la même façon qu'à une politisation extrême qui avait suivi mai 1968, ces artistes prônent la prise en compte de l’élément affectif, imaginaire, voire nostalgique, dans l’œuvre .La galerie Germain lui commande, en 1971-1972, une œuvre avec de la laine et du tissu : Annette Messager crée Les Pensionnaires, alignement de moineaux empaillés et emmaillotés dans des tricots recouvert de tissu.

Dans les années 1980, l’artiste déploie encore davantage son travail dans l’espace et approfondit sa réflexion sur le signe linguistique, tout en utilisant la structure bidimensionnelle du tableau. Les œuvres sont réalisées à partir de photographies représentant des parties du corps, agrandies puis découpées, et retouchées ensuite à la peinture acrylique et à l’huile pour certaines, rehaussées au fusain, à l’acrylique et à l’aquarelle pour d’autres. La délicatesse du dessin masque la violence de cette « partialisation » du corps.

Ma collection de proverbes, Ensemble composé de 15 pièces de tissu brodé, 42,0 x 35,0 x 5,5 cm

Chaque ensemble est composé des mêmes 13 proverbes et de 2 proverbes différents dans chaque ensemble Chaque proverbe mesure 35 x 28 cm Les proverbes sont livrés dans un étui en bois, 42 x 35 x 5,5 cm Edition limitée à 24 exemplaires numérotés et signés et 6 épreuves d'artiste 1974 - 2012

Ma collection de proverbes est l'une de ces collections qu'Annette Messager possède compilé sur une longue période et qui consiste en une série de proverbes « misogynes ». L'artiste les a brodés sur des morceaux de tissu blanc, les attribuant dans une perspective incisive et ironique.

Annette Messager, qui revendique la dimension féminine de son art, intègre l’univers domestique dans lequel le regard masculin a cantonné la femme : travaux à l’aiguille, carnets précieusement intimes, revues de beauté, pour en faire son langage plastique en même temps qu’une critique de la condition féminine. Pour cette raison, elle est connue pour jouer avec les stéréotypes et les clichés sur les femmes et la féminité.

Des Pensionnaires, 1972, à Mes petites effigies, 1988, aux Piques, 1992, son travail affectionne l’esthétique du fragment et révèle un univers de l’intime à l’écoute des mouvements contradictoires de l’inconscient.

Elle entame une création continue, qu'elle expose à Munich en 1973 dans une exposition personnelle (en fait, sa première exposition), puis au musée d'art moderne de la ville de Paris en 1974. Ses travaux se structurent progressivement et sont exposés à l'échelle internationale, avec notamment une exposition à Buenos Aires en 1999 et au musée d'art moderne de la ville de Paris en 2004.

En 1989, le musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble la consacre par une première rétrospective. Les années 1990-2000 sont marquées par un tournant affirmé vers la sculpture et l’installation. La question de la femme est toujours sous-jacente : l’artiste adopte la figure de la sorcière. Si Histoire des robes (1990) apparaît comme une déploration portant sur l’anonymat des femmes, la plupart des œuvres créées au cours de ces décennies soumettent gants, peluches et animaux empaillés à des situations violentes, sous couvert d’un univers enfantin et onirique. Dans d’autres créations, A. Messager intègre ces deux êtres ambigus que sont le traversin, corps endormi, et Pinocchio, la marionnette de bois douée de vie et traînée dans d’étranges et effrayants univers qui témoignent de la vanité de l’innocence et de l’interpénétration du bien et du mal dans notre rapport au corps et au langage.

En 2005, son œuvre Casino gagne le Lion d’or à la 51e biennale de Venise. On y découvre le trajet du pantin de Collodi à travers trois pièces qui retracent le voyage inquiétant de Pinocchio au sein d'une mer de traversins et des étoffes se gonflant comme le ventre d’une baleine.

Mes vœux, 1988, épreuves argentiques, ficelles, dimensions variables

 

Sources : Émilie Bouvard, Extrait du Dictionnaire universel des créatrices, © Éditions des femmes – Antoinette Fouque, 2013