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(1928-1962)
Nouveau réalisme
Monochrome vert (M 77) 1957 Paris, MNAM
Monochrome bleu (IKB 3) 1960 Paris, MNAM
Anthropométrie de l’époque bleue 1960 Paris, MNAM
Ci-gît l’espace (RP3) 1960 Paris, MNAM
Peinture feu sans titre (F 74) 1961 Paris, MNAM
"L’arbre", grande éponge bleue 1962 Paris, MNAM

Bien qu'il naisse de parents tous deux plasticiens, Yves Klein ne s’oriente pas immédiatement vers une carrière artistique professionnelle. S’il peint spontanément durant son adolescence, c’est en subordonnant cette pratique à ses autres activités.

Tout d’abord, il s’initie au judo en 1947 alors qu’il n’est pas encore réduit à un sport, mais se veut une méthode d’éducation intellectuelle et morale visant la maîtrise de soi. C’est à l’occasion d’un de ses premiers cours qu’il rencontre Armand Fernandez, le futur Arman. En 1952 il part se perfectionner au Japon d’où il revient ceinture noire quatrième dan, le grade le plus élevé qu’aucun Français n’avait atteint à cette époque ; mais la Fédération Française de Judo refusant de reconnaître son diplôme, il ne peut l’enseigner officiellement en France et est contraint d’ouvrir en 1955 sa propre école privée, qu’il décore de monochromes. À court d’argent, il la ferme l’année suivante.

Parallèlement au judo, Yves Klein s’est référé toute sa vie à la mystique des Rose-Croix, qu’il découvre en 1947. Dès cette date, il peint des monochromes pour en faire des objets de culte. Il lit régulièrement la Cosmogonie, texte fondateur de l’ordre. Cet ouvrage enseigne la connaissance par l’imagination, considérée comme la plus puissante des facultés humaines. C’est pourquoi en 1958, lorsqu’il lit L’Air et les songes, du philosophe Gaston Bachelard, Klein y décèle un écho à sa propre pensée.

C’est à partir de 1955 que Klein présente ses travaux dans un cadre artistique : il expose au Club des solitaires de Paris des monochromes de différentes couleurs, sous le titre Yves, peintures. Il rencontre le critique d’art Pierre Restany avec lequel il collabore toute sa vie : sa carrière de peintre est lancée.

En 1957, il entame son "époque bleue", choix de couleur confirmé par son voyage à Assise où il découvre les ciels de Giotto. Il reconnaît en lui le véritable précurseur de la monochromie bleue qu’il pratique : uniforme et spirituelle. Le bleu trouvé par Klein est officialisé en 1960 lorsqu’il dépose le brevet de sa formule sous le nom de l’IKB.

À partir de cette date, il devient un artiste de renommée mondiale, ce qui lui permet de co-fonder le Nouveau Réalisme, tout en poursuivant ses recherches personnelles.

L’œuvre d’Yves Klein émane d’une conception nouvelle de la fonction de l’artiste. Celui-ci n’est jamais à proprement parler l’auteur d’une œuvre puisque, selon Klein, la beauté existe déjà, à l’état invisible. Sa tâche consiste à capter les forces cosmiques pour les révéler aux autres hommes. En conséquence, l’œuvre d’art n’est que la trace de la communication de l’artiste avec la nature : "Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art" (in L’architecture de l’air, Conférence de la Sorbonne, 1959).

La diversité des techniques qu’Yves Klein met en œuvre tout au long de son parcours obéit en effet à une même intuition.

Des premiers monochromes du début des années cinquante, qui manifestent la sensibilité à l’état pur, aux "peintures de feu" de la dernière année de sa vie où l’un des quatre éléments s’exprime sous la direction de l’artiste, c’est le cosmos qui devient visible. La réduction des couleurs au bleu breveté par Klein fait jouer à la matière picturale le rôle de l’air, du vide, duquel, pour Yves Klein, naissent la force de l’esprit et l’imagination. Enfin, la "technique des pinceaux vivants", ou "anthropométrie", revient à laisser au corps humain le soin de faire le tableau, mettant ainsi l’artiste en retrait.

On comprend que cette pratique artistique ne trouve pleinement son sens qu’en référence à une conception singulière du monde que s’est forgée Klein à partir d’expériences parallèles : le judo (en japonais : pratique de l’art) fondé sur les forces et éléments naturels du cosmos (eau, air, feu, terre), pour la visualisation et l’assimilation des énergies positives ou contradictoires, et la philosophie ésotérique des Rose-Croix qui recherche les forces spirituelles gouvernant l’Univers.

Loin d’être une démarche artistique formaliste, l’activité d’Yves Klein est donc gouvernée par une cosmologie qui fait du monde le principal acteur de l’art. C’est cette idée du monde comme œuvre que Klein apporte au Nouveau Réalisme. Mais si tout son travail est dirigé par une nécessité spirituelle qui l’a conduit à élargir le champ des techniques artistiques habituelles, toute la génération suivante, qui refuse l’objet esthétique, a néanmoins su hériter de ses innovations, par-delà son parti pris mystique.