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(1896-1948)
Art performatif

Antonin Artaud, théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète est aussi l'un des fondateurs de l'art performatif, art total mettant en jeu le corps entier et plus seulement l'intellect. Pierre Boulez parle d'Artaud à John Cage. Carl Solomon qui assite à sa performance le 13 janvier 1947, en parle à Allen Ginsberg qui s'en inspirera pour Howl (1955).

Poupou rabou 1945 Amsterdam, Stedelijk museum
Histoire vécue d'Artaud-Momo 1947 Théâtre du Vieux-Colombier
Pour en finir avec le jugement de dieu 1947 Pièce radiophonique

Antonin Artaud nait le 4 septembre 1896 à Marseille. Il est issu d'une famille bourgeoise aisée. Son père, Antoine-Roi Artaud, capitaine au long cours, et sa mère, Euphrasie Nalpas, sont cousins Antonin connaît à Marseille une petite enfance, cependant perturbée par la maladie. Le premier trouble apparaît à l'âge de quatre ans et demi, lorsque l'enfant se plaint de maux de tête et qu'il voit double. On pense à une méningite consécutive à une chute. Déjà, on préconise l'électricité pour le soigner. Son père se procure une machine qui transmet l'électricité par des électrodes fixées sur la tête. Cette machine est décrite dans le Traité de thérapeutique des maladies nerveuses du docteur Grasser. Bien que très différent des électrochocs, ce système relève de l'électrothérapie et l'enfant Artaud en a beaucoup souffert. D'autres traumatismes suivront. À six ans, il aurait failli se noyer lors d'un séjour chez sa grand-mère de Smyrne. Mais son premier grand choc vient de la mort d'une petite sœur âgée de sept mois, bousculée par un geste violent d'une bonne.

Cependant, Antonin a aussi le sens du jeu et de la mise en scène. C'est à lui que l'on confie la mise en place de la crèche à Noël chaque année. Artaud a quatorze ans lorsqu'il fonde avec ses camarades du collège du Sacré-Cœur de Marseille, une petite revue où il publie ses premiers poèmes inspirés de Charles Baudelaire, d'Arthur Rimbaud ou Edgar Poe.

Mais lors de sa dernière année de collège, en 1914, il est atteint de dépression, ne se présente pas au baccalauréat, et l'année suivante, sa famille le conduit à Montpellier pour consulter un spécialiste des maladies nerveuses. Il est envoyé au sanatorium de la Rouguière, en 1915 et 1916 et publie en février 1916 des poèmes dans La Revue de Hollande. Le conseil de révision le déclare d'abord bon pour le service avant que l'armée le réforme provisoirement pour raisons de santé, puis définitivement en décembre 1917 grâce à l'intervention de son père.

Entre 1917 et 1919, il fait un certain nombre de séjours dans des lieux de cure et maisons de santé. Il peint, dessine, écrit. Plus tard, lors de son séjour à l'hôpital Henri-Rouselle pour une cure de désintoxication, il indique qu'il a commencé à prendre du Laudanum en 1919. « Je n'ai jamais pris de morphine et j'en ignore les effets précis. Je connais les effets analogues de l'opium sous forme de Laudanum de Sydenham. »

En 1920, sa famille confie Antonin Artaud au docteur Édouard Toulouse, directeur de l'asile de Villejuif, dont il devient le co-secrétaire pour la rédaction de sa revue Demain. Le docteur l'encourage à écrire des poèmes, des articles, jusqu'à la disparition de la revue en 1922. En juin de cette même année 1920 Artaud qui s'intéresse au théâtre rencontre Lugné-Poë, et il quitte Villejuif pour s'installer dans une pension à Passy. Il s'intéresse aussi au mouvement Dada et découvre les œuvres d'André Breton, celles de Louis Aragon, Philippe Soupault.

Il rencontre Max Jacob qui l'oriente vers Charles Dullin. Dullin l'intègre dans sa compagnie en 1921. Là, il rencontre Génica Athanasiou dont il tombe amoureux et à laquelle il écrit un grand nombre de lettres réunies dans le recueil Lettres à Génica Athanassiou avec deux poèmes. Leur passion orageuse va durer 6 ans. Jusqu'en 1922, Antonin Artaud publie poèmes, articles et comptes-rendus à plusieurs revues : Action, Cahiers de philosophie et d'art, L'Ère nouvelle, revue de l'entente des gauches.

L'aventure théâtrale 'Artaud commence en 1922 avec la première répétition des spectacles de l'atelier, où il joue L'Avare de Molière. Suivront d'autres rôles, toujours avec Dullin qui lui demande de dessiner les costumes et les décors de Les Olives de Lope de Rueda.. Toute l'année 1922 est occupée par le théâtre et par les nombreux rôles que joue Artaud malgré sa santé défaillante et malgré les difficultés financières de la compagnie

En même temps, il produit aussi à la demande de Daniel-Henry Kahnweiler un recueil de 8 poèmes tiré à 112 exemplaires et il fait la connaissance d'André Masson, de Michel Leiris, de Jean Dubuffet, de Georges Limbour. Sa correspondance témoigne de l'intérêt que lui portaient artistes et écrivains Elle occupe une très grande place dans le recueil de ses œuvres.

En 1923, il publie, à compte d'auteur et sous le pseudonyme d'Eno Dailor, le premier numéro de la revue Bilboquet, une feuille composée d'une introduction et de deux poèmes. Le 15 mars 1923, le cinéaste René Clair lance une vaste enquête dans la revue Théâtre et Comœdia illustré car selon lui, peu de cinéastes savent tirer parti de « l'appareil de prise de vue. » Il se tourne alors vers des peintres, sculpteurs, écrivains, musiciens, en leur posant la double question : 1)« Quel genre de films aimez-vous ? », 2) « Quel genre de films aimeriez-vous que l'on créât ? ». Antonin Artaud répond qu'il aime le cinéma dans son ensemble car tout lui semble à créer, qu'il aime sa rapidité et le processus de redondance du cinématographe. Il aura par la suite l'occasion de tourner avec un grand nombre de réalisateurs parmi lesquels Carl Dreyer, G.W Pabst, Abel Gance. Le cinéma lui apparaît « comme un médium essentiellement sensuel qui vient bouleverser toutes les lois de l'optique, de la perspective et de la logique. »

Le mois de mars 1923 est aussi celui de sa rupture avec Charles Dullin, au moment où l'Atelier crée Huon de Bordeaux mélodrame dans lequel Artaud a le rôle de Charlemagne. Mais il est en total désaccord avec le metteur en scène et l'auteur de la pièce sur la manière de jouer. Par l'intermédiaire de Madame Toulouse, Antonin est présenté à André de Lorde qui mis au point ce qu'il nomme le « Théâtre de la peur » et le « Théâtre de la mort », un style qui va inspirer Antonin Artaud pour le Théâtre de la cruauté. Engagé par Jacques Hébertot, Artaud interprète le rôle du souffleur au Théâtre de la Comédie des Champs-Élysées dans la pièce de Luigi Pirandello : Six personnages en quête d'auteur montée par Georges Pitoëff, avec Michel Simon dans le rôle du directeur. Artaud et Simon ont en commun une grande admiration pour Alfred Jarry.

Sa véritable entrée en littérature commence dans les années 1924-1925, période de ses premiers contacts avec la NRF et de sa Correspondance avec Jacques Rivière qui est publiée en 1924. Jacques Rivière a refusé les poèmes d'Artaud, et c'est à partir de ce refus que s'est établie cette correspondance entre les deux hommes. Cette première publication fait apparaître le rôle très particulier que l'écriture épistolaire joue dans toute l'œuvre d'Artaud. La critique littéraire s'accorde à trouver les poèmes refusés assez conventionnels, tandis que les lettres témoignent, par leur justesse de ton, de la sensibilité maladive d'Artaud que l'on retrouve même dans les plus courts billets et aussi dans ses lettres à Génica, et ses lettres au docteur Toulouse.

Dans ces années-là, si Artaud se plaint de la nécessité de prendre des substances chimiques, mais il défend aussi l'usage des drogues. C'est l'usage des drogues qui lui permet « de libérer, surélever l'esprit. Dès 1924, il adhère au surréalisme, et tout en se lançant à l'assaut de le république des lettres il entame une carrière de théâtre et de cinéma. Inspiré par les tableaux d'André Masson, il rédige son premier texte pour le numéro 1 de la revue La Révolution surréaliste paru en janvier 1925. C'est son admiration pour Masson qui le conduit à adhérer au mouvement surréaliste, en même temps que le peintre, le 15 octobre 1924. Artaud, qui n'a vécu ni l'expérience Dada, ni les premiers temps du surréalisme, est tout d'abord circonspect sur la théorie de l'automatisme psychique chère à André Breton. De 1924 à 1926, Artaud participe activement au mouvement avant d'en être exclu. La permanence de la Centrale du bureau de recherches surréalistes, créée le 11 octobre 1924 au 15 rue de Grenelle, est assurée par Pierre Naville et Benjamin Péret qui en sont les directeurs. Le dynamisme des textes de Artaud, sa véhémence, apportent un sang neuf à un mouvement qui s'étiole, et soutenu par Breton, il a pour mission de « chasser du surréalisme tout ce qui pourrait être ornemental ».  Mais le lien avec le collectif ira en s'amenuisant jusqu'à la rupture liée à l'adhésion des surréalistes au communisme.

À l'occasion de son départ, Aragon, Breton, Éluard, Benjamin Péret, Pierre Unik publient une brochure intitulée Au Grand Jour, destinée à informer publiquement des exclusions de Artaud et Soupault du groupe surréaliste, et de l'adhésion des signataires au parti communiste. Artaud y est violemment pris à partie : « [...] Il y a longtemps que nous voulions le confondre, persuadés qu'une véritable bestialité l'animait [...] Cette canaille aujourd'hui nous l'avons vomie. Nous ne voyons pas pourquoi cette charogne tarderait plu longtemps à se convertir, ou, comme sans doute elle dirait, à se déclarer chrétienne. » Brochure à laquelle Artaud répond sans tarder en juin 1927 avec un texte intitulé À la grande nuit ou le bluff surréaliste, en termes plus choisis mais non moins violents : « Que les surréalistes m'aient chassé ou que je me sois moi-même mis à la porte de leur grotesque simulacre, la question depuis longtemps n'est pas là. [...] Que le surréalisme s'accorde avec la Révolution ou que la Révolution doive se faire en dehors et au-dessus de l'aventure surréaliste, on se demande ce que cela peut bien faire au monde quand on pense au peu d'influence que les surréalistes sont parvenus à gagner sur les mœurs et les idées de ce temps.

Ayant quitté Dullin, Artaud rejoint la compagnie de Georges et Ludmilla Pitoëff installée à la Comédie des Champs-Élysées. Puis avec Roger Vitrac, Robert Aron et l'aide matérielle du Dr René Allendy, psychiatre et psychanalyste, qui le soigne, il fonde le Théâtre Alfred Jarry en 1927. Le Théâtre Alfred Jarry présente quatre séries de spectacles : Les Mystères de l'amour de Vitrac, Ventre brûlé ou la Mère folle d'Artaud et Gigogne de Max Robur (pseudonyme de Robert Aron), Le Songe d'August Strindberg perturbé par les surréalistes (juin 1927), le troisième acte du Partage de midi de Paul Claudel joué contre la volonté de l'auteur qu'Artaud qualifie publiquement d'« infâme traître ». Il s'ensuit une brouille avec Jean Paulhan et la reconsidération des surréalistes (janvier 1928). Victor ou les enfants au pouvoir de Vitrac sera la dernière représentation (décembre 1928).

De juillet à décembre 1929, Antonin Artaud et Roger Vitrac élaborent la brochure qui sera intitulée Théâtre Alfred Jarry et l'Hostilité publique, et il refuse de signer le second manifeste du surréalisme qui attaque Breton. La brochure, qui parait en 1930, est un ensemble de photo montages, mis en scène par Artaud, photographiés par Eli Lotar. Roger Vitrac, Artaud et son amie Josett Lusson ont posé pour les photos. Artaud rédige deux projets de mise en scène, un pour Sonate de Strinberg, l'autre pour Le Coup de Trafalgar de Roger Vitrac. Mais il décide de quitter le Théâtre Alfred Jarry.

Poursuivant sa quête d'un théâtre du rêve et du grotesque, du risque et de la mise en danger, Artaud écrit successivement deux manifestes du Théâtre de la Cruauté.Sa première réalisation, Les Cenci, jouée dans des décors et des costumes de Balthus, au théâtre des Folies-Wagram s'arrête faute de moyens financiers. La pièce est retirée de l'affiche après 17 représentations (1935). La critique est partagée et l'article élogieux de Pierre Jean Jouve dans la NRF arrivera trop tard. Artaud considère cela comme un « demi ratage » : «La conception était bonne, écrit-il à Jean Paulhan. J'ai été trahi par la réalisation. »


Le 6 avril 1938, paraît un recueil de textes sous le titre Le Théâtre et son double comprenant Le Théâtre et la peste, texte d'une conférence littéralement incarnée. Artaud y jouait sur scène les dernières convulsions d'un pestiféré « Il avait le visage convulsé d'angoisse (...). Il nous faisait sentir sa gorge sèche et brûlante, la souffrance, la fièvre, le feu de ses entrailles (...) Il représentait sa propre mort, sa propre crucifixion. » Selon le récit d'Anaïs Nin, les gens eurent d'abord le souffle coupé, puis ils commencèrent à rire, puis un à un ils commencèrent à s'en aller.« Artaud et moi sommes sortis sous une pluie fine (...) Il était blessé, durement atteint. Ils ne comprennent pas qu'ils sont morts disait-il. Leur mort est totale, comme une surdité, une cécité. C'est l'agonie que j'ai montrée. La mienne, oui et celle de tous ceux qui vivent. »

Déçu par le théâtre qui ne lui propose que de petits rôles, Artaud espère du cinéma une carrière d'une autre envergure. Il s'adresse alors à son cousin Louis Nalpas, directeur artistique de la Société des Cinéromans. Artaud rencontre Abel Gance avec qui il sympathise au grand étonnement de l'entourage du cinéaste, réputé d'accès difficile. Pour son film Napoléon en préparation, Abel Gance lui promet le rôle de Marat. Artaud commence à écrire des scénarios dans lesquels il essaie de « rejoindre le cinéma avec la réalité intime du cerveau ». Ainsi Dix-huit secondes propose de dérouler sur l'écran les images qui défilent dans l'esprit d'un homme, frappé d'une « maladie bizarre », durant les dix-huit secondes précédant son suicide.

À la fin de l'année 1927, apprenant la préparation du film La Chute de la maison Usher de Jean Epstein, Artaud propose à Abel Gance de jouer le rôle de Roderick Usher . Après quelques essais, Artaud ne sera pas retenu.Il participe au tournage du film de Léon Poirier, Verdun, visions d'histoire. De la dizaine de scénarios écrits et proposés, un seul sera tourné : La Coquille et le Clergyman par Germaine Dulac.
Engagé en même temps par Carl Theodor Dreyer pour son film La Passion de Jeanne d'Arc, Artaud délaisse le rôle du clergyman qui lui était dévolu et ne suit que par intermittence la réalisation de La Coquille. Le soir de la première projection au Studio des Ursulines, le 9 février 1928, les surréalistes venus en groupe à la séance manifestent bruyamment leur désapprobation. Dès lors, la magie du cinéma n'existe plus pour lui. Il poursuit malgré tout une carrière d'acteur, pour subvenir à ses besoins.  En 1933, dans un article paru dans le numéro spécial Cinéma 83 no 4 Les Cahiers jaunes, il écrit un éloge funèbre du cinéma : « La Vieillesse précoce du cinéma »En 1935, il apparaît deux ultimes fois dans Lucrèce Borgia d'Abel Gance et dans Kœnigsmark de Maurice Tourneur. Antonin Artaud a tourné dans plus d'une vingtaine de films, sans jamais avoir obtenu le moindre premier rôle ni même un second rôle d'importance.

En 1936, Artaud part pour le Mexique. Il découvre le peyotl. Son initiation se fait au cours de la Danse du Peyotl, après de la douzième phase. « Les douze phases de la danse terminées, et comme l'aurore allait poindre, on nous passa le peyotl broyé semblable à un sorte de brouet limoneux[...] J'ai pris part au rite de l'eau, des coups sur le crâne, de cette espèce de guérison qu'on se passe, et des ablutions démesurées. » De ce séjour dans la Sierra Tarahumara, on ne dispose que des témoignages d'Artaud et on n'a aucune certitude sur son initiation au rite du peyotl. On n'a pas non plus la certitude qu'il ait effectivement assisté aux danses des indiens, ou même qu'il soit réellement allé dans ce territoire d'accès difficile. Outre le récit de son périple au Mexique, il y a encore beaucoup d'autres textes d'Antonin Artaud intitulés Textes Mexicains, ainsi que les textes de trois conférences données à l'université de Mexico, réunies sous le titre Messages.

Dès retour en France, il retrouve sa fiancée Cécile Schramme qu'il avait rencontrée en 1935 chez René Thomas. La jeune fille appartient à la bourgeoisie belge. Son père est directeur des tramways de Bruxelles et sa mère, une riche héritière flamande. Artaud contribue à organiser une exposition des gouaches de Maria Izqierdo en janvier-février 1937, mais dès le 25 janvier et jusqu'au 3 mars, il entre en cure de désintoxication au Centre français de chirurgie, dont les frais seront réglés par Jean Paulhan. Cécile était devenue la compagne d'Antonin avant son départ, elle a partagé sa vie quotidienne à Montparnasse allant même jusqu'à l'accompagner dans sa prise de drogue.

Artaud prend contact avec les milieux littéraires bruxellois. Le 18 mai il se rend à Bruxelles pour faire une conférence à la Maison de l'Art. Devant une salle comble de 200 à 300 personnes, il raconte son aventure mexicaine. Il y a ensuite trois témoignages différents : il est pris d'une crise et il quitte la salle en criant « Qui vous dit que je suis encore vivant ?  » Selon le témoignage de Marcel Lecomte, qui assistait à la conférence, Artaud se serait écrié : « en vous révélant cela je me suis tué. » D'autres témoins racontent qu'il serait arrivé sur scène en disant « Comme j'ai perdu mes notes, je vais vous parler des effets de la masturbation chez les jésuites. » En réalité, on ne sait pas avec certitude de quoi il parla : de son voyage au Mexique selon certains, de la pédérastie selon lui. De toute façon, il fit scandale. Artaud est hébergé dans sa belle famille, jusque-là son beau-père se plaisait à lui faire visiter les hangars des tramways. Mais le scandale de la conférence met un terme aux projet de mariage avec Cécile. Leurs relations sont rompues le 21 mai.

Le 12 août 1937, Artaud embarque au Havre pour un périple irlandais, dans les Îles d'Aran. Le 14 août il débarque à Cobh, puis il séjourne dans le village de Kilronan, dans l'une des îles d'Aran. Financièrement totalement démuni, il demande des aides à Paulhan, à sa famille, au consulat de France. Il semble avoir quitté sans payer son logement chez un couple à Kilronan et dans un hôtel à Galway. Sa mère découvre aussi, lors de ses recherches, qu'il aurait été hébergé à l'asile de nuit Saint Vincent de Paul à Dublin où il est de retour le 9 septembre.  Le 23 septembre 1937, Antonin Artaud est arrêté en Irlande à Dublin pour vagabondage et trouble de l'ordre public. Le 29, il est embarqué de force sur un paquebot américain faisant escale au Havre. Dès son arrivée, le lendemain, Artaud est remis directement aux autorités françaises qui le conduisent à l'Hôpital général, entravé dans une camisole de force. On le place dans le service des aliénés. Jugé violent, dangereux pour lui-même et pour les autres et souffrant d'hallucinations et d'idées de persécution. Il est transféré sous placement d'office à l'hôpital psychiatrique Les Quatre-Mares de Sotteville-lès-Rouen. Le 8 novembre 1937, le préfet de la Seine-Inférieure déclare le sieur Antoine Artaud « dangereux pour l'ordre public et la sûreté des personnes, » de sorte que Artaud est interné à l'asile des Quatre-Mares.

Sa famille et ses amis restés sans nouvelles s'inquiètent. Sa mère Euphrasie entreprend des recherches. Elle s'adresse tour à tour au docteur Allendy, à Jean Paulhan, à Robert Denoël. Elle finit par retrouver son fils en décembre 1937. Antonin, qui pourtant ne la reconnaît pas, donne des détails sur son aventure irlandaise. Un litige oppose alors la famille Artaud et les autorités irlandaises, Euphrasie accuse la police irlandaise, dont les méthodes seraient responsables de l'état d'Antonin, les autorités irlandaises réclament le paiement d'une dette laissée par Antonin.

En avril 1938, les démarches de sa mère pour le faire transférer aboutissent. Artaud est admis au centre psychiatrique de Sainte-Anne où il reste onze mois. Artaud refuse toute visite y compris de sa famille. Il n'a cependant jamais cessé d'écrire, bien que l'on ne connaisse aucun texte de lui à cette époque.  Le certificat du 22 février 1939, établi par le docteur Longuet de Sainte-Anne lors du transfert d'Antonin Artaud à l'hôpital de Ville-Évrard (près de Neuilly-sur-Marne, Seine-Saint-Denis) indique : « Syndrome délirant de structure paranoïde, idées actives de persécution, d'empoisonnement, dédoublement de la personnalité. Excitation psychique par intervalle. Toxicomanie ancienne. Peut être transféré. » À partir de cette date, il est interné à Ville-Evrard pour trois ans et onze mois. Considéré comme incurable, il ne reçoit aucun traitement. Mais il écrit de nombreuses lettres, et parmi celles-ci, une « Lettre à Adrienne Monnier », qui la fait publier dans La Gazette des amis du livre du 4 mars, et qui reste le seul texte connu de Artaud pour la période 1938-1942. En réponse au reproche que lui fait Jean Paulhan, Adrienne Monnier répond que ce texte témoigne de la grande richesse imaginative que les psychiatres appellent « accès de délire ». Pendant cette période, Antonin Artaud remplit aussi des cahiers d'écoliers de gris-gris, qui mélangent écriture et dessins.

Dès 1940, la situation des internés dans les hôpitaux devient plus difficile du fait du rationnement. Sa mère et ses amis lui envoient des colis.Début 1942, Antonin est dans un état inquiétant : il a faim, il est d'une maigreur effrayante, après avoir perdu dix kilos. Sa mère alerte alors ses amis et persuade Robert Desnos d'entreprendre des démarches auprès de Gaston Ferdière afin qu'Artaud soit transféré dans un autre hôpital.

La technique de l'électrochoc a été importée par des médecins allemands pendant la période d'occupation de la France. À l'époque où Artaud est interné à Ville-Évrard, le docteur Rondepierre et un radiologiste nommé Lapipe ont entrepris d'appliquer la technique de l'électrochoc. En novembre 1942, Robert Desnos prend contact avec le docteur Gaston Ferdière, ami de longue date des surréalistes et médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Rodez (Aveyron), situé en zone « non-occupée » où la pénurie alimentaire semble moins sévère. Mais les hôpitaux psychiatriques subissent les mêmes, sinon de pires, restrictions que l'ensemble de la populationnote. Les démarches aboutissent et Artaud sera transféré le 22 janvier 1943.

En décembre 1942, la santé d'Artaud s'est encore dégradée, il pèse entre 52 et 55 kilos. Desnos entreprend des démarches pour faire sortir un Antonin « perdu dans la masse des déments, incompris, sous-alimenté. » Ce n'est que le 22 janvier 1943 que Desnos et le docteur Ferdière obtiennent son transfert à Rodez, où on l'installe le 11 février 1943 pour trois ans, jusqu'au 25 mai 1946. À Rodez, le docteur Gaston Ferdière est un des pionniers de l'Art-thérapie. Il va accorder immédiatement beaucoup d'attention à Antonin Artaud.

Au moment où Artaud arrive à Rodez, le 11 février 1943, l'hôpital ne pratique pas encore l'électrochoc. Ce n'est que peu après son arrivée, en mai 1943 que l'appareil du docteur Delmas-Marsalet est livré à l'hôpital par les ateliers Solex. Ainsi, même à Rodez, la technique de l'électrochoc est employée, cette thérapie étant supposée d'une grande efficacité. Artaud subit une première série en juin 1943. Mais la deuxième séance provoque une fracture d'une vertèbre dorsale ce qui l'oblige à garder le lit pendant deux mois. Cela n'empêche pas les médecins de poursuivre le traitement dès le 25 octobre 1943 avec une série de 12 séances d'électrochocs, dont ils se félicitent, jugeant qu'ils ont obtenu « moins de gesticulations et de confusion mentale. » Dans le cadre de l'Art-thérapie, Antonin Artaud avait écrit en septembre deux textes adaptés de Lewis Carroll : Variations à propos d'un thème et Le Chevalier de Mate-Tapis. À partir du 14 décembre, Henri Parisot lui propose de publier chez Robert.J. Godet éditeur, un petit volume comprenant Un voyage au Pays des Tarahumaras qui était paru dans la NRF en 1937, et de l'augmenter. Artaud écrit Le Rite du Peyotl chez les Tarahumaras. Dès le mois de janvier 1944, le docteur Ferdière donne à Artaud une chambre individuelle, où il écrit encore Supplément au Voyages chez les Tarahumaras. L'artiste exécute aussi de petits dessins, écrit, adapte. Mais sa vie d'écrivain et d'artiste est mis en pointillé entre les séances d'électrochocs, qui reprennent dès le mois de juin 1944, 12 séances du 23 mai au 16 juin 1944. Antonin Artaud écrit au docteur Latrémolière le 6 janvier 1945 :« L'électrochoc, M. Latrémolière, me désespère, il m'enlève la mémoire, il engourdit ma pensée et mon cœur, il fait de moi un absent qui se connaît absent et se voit pendant des semaines à la poursuite de son être, comme un mort à côté d'un vivant qui n'est plus lui, qui exige sa venu et chez qui il ne peut entrer. » Le 23 août 1944, il envoie une lettre demandant à sa mère de faire interrompre le traitement à l'électrochoc . À chaque série de séances, il perd conscience pendant deux ou trois mois. Il dit avoir besoin de cette conscience pour vivre : « Ce traitement est de plus une torture affreuse parce qu'on se sent à chaque application suffoquer et tomber comme dans un gouffre d'où votre pensée ne revient "

Dès janvier 1945, Artaud commence à faire de grands dessins en couleurs qu'il commente ainsi dans une lettre à Jean Paulhan du 10 janvier 1945 : « Ce sont des dessins écrits, avec des phrases qui s'encartent dans les formes avant de les précipiter. » Le mois suivant, il se met à travailler quotidiennement sur de petits cahiers d'écoliers où il écrit et dessine. Ce sont les Cahiers de Rodez, mêlant écriture et dessins. À Rodez, en quinze mois, Artaud en réalise une centaine. Après les 106 cahiers de Rodez, suivront les 300 cahiers dits du retour à Paris .

Cette même année, Les Tarahumaras sont publiés par Henri Parisot dans la collection « L'Âge d'or » qu'il dirige aux éditions Fontaine sous le titre Voyages au pays des Tarahumaras. Des écrits de Artaud sortent de l'hôpital malgré les protestations du docteur Ferdière qui protège les droits financiers et moraux d'Artaud au nom de la défense de biens des aliénés placés sous autorité administrative. Ce sont les Lettres de Rodez qui paraîtront l'année suivante, en avril 1946.

En septembre 1945, Jean Dubuffet rend visite à Antonin Artaud. Il s'ensuivra avec Jean et madame Dubuffet une correspondance affective, d'autant plus que les recherches de Dubuffet le conduisent très souvent dans des asiles  Marthe Robert et Arthur Adamov rendent visite à Artaud le 26/27 février 1946. Le lendemain, Artaud demande, dans une lettre à Jean Paulhan, qu'on le fasse sortir de toute urgence :« [...] Et je vous demande, Jean Paulhan, de faire quelque chose pour que la liberté me soit enfin rendue. Je ne veux plus m'entendre dire par aucun médecin comme cela a été dit ici : Je suis là, Monsieur Artaud, pour redresser votre poésie. Ma poésie me regarde seul et un médecin pas plus qu'un agent de police n'a aucune compétence en matière de poésie, et c'est cela que les médecins, depuis 9 ans, n'ont jamais compris chez moi. »

De retour à Paris, Marthe et Arthur très impressionnés par l'environnement de Artaud dans cet asile, considèrent qu'il est nécessaire qu'il revienne à Paris. Une vente aux enchères est organisée à son profit. Un « Comité de soutien des amis d'Antonin Artaud » présidé par Jean Paulhan, et dont Jean Dubuffet est secrétaire, regroupe Arthur Adamov, Balthus, Jean-Louis Barrault, André Gide, Pierre Loeb, Pablo Picasso et Henri Thomas. De son côté, Roger Blin s'emploie à organiser un gala au profit d'Artaud au Théâtre Sarah-Bernhardt.

Les amis d'Artaud, Arthur Adamov, Marthe Robert et Jean Paulhan, obtiennent qu'il sorte de l'asile de Rodez. Le 26 mai 1946, Dubuffet, Marthe Robert, Henri Thomas l'accueillent à la gare et l'installent provisoirement dans une chambre individuelle à la maison de santé du docteur Delmas à Ivry, puis dans un petit pavillon dans le parc. Le 7 juin de la même année, une séance d'hommage à Antonin Artaud est donnée au Théâtre Sarah-Bernardt, avec un discours d'André Breton en ouverture, et des textes de Artaud lus notamment par Adamov, Jean-Louis Barrault, Rober Blin, Alain Cuny, Jean Vilar (Le Pèse-Nerfs). Le 8 juin, il enregistre à la radio Les malades et les médecins, texte diffusé le 9 juin, publié dans le numéro 8124 de la revue Les Quatre Vents. Le 13 juin, la vente aux enchères de tableaux offerts par des artistes, et dont Pierre Brasseur est commissaire priseur, lui rapporte assez d'argent, ajoutée à la faible somme recueillie au théâtre Sarah-Bernardt et à ses droits d'auteur, pour vivre jusqu'à sa mort.

Le 13 janvier 1947, devant une salle comble au Théâtre du Vieux-Colombier, Artaud fait un retour éclatant sur scène avec une conférence intitulée d'après l'affiche : Histoire vécue d'Artaud-Momo, Tête à tête par Antonin Artaud, Le Retour d'Artaud le Momo Centre Mère et Patron Minet-La Culture indienne. Selon André Gide: « Il y avait là, vers le fond de la salle [...] qui pouvait contenir environ 300 personnes, une douzaine de plaisantins venus à cette séance avec l'espoir de rigoler [...]. Mais non, après un timide essai de chahut […] nous assistâmes à un spectacle prodigieux, Artaud triomphait, tenait en respect la moquerie, la sottise insolente, il dominait […]. Jamais encore Antonin Artaud m'avait paru plus admirable. De son être matériel plus rien ne subsistait que d'expressif […]. En quittant cette mémorable séance, le public se taisait. » André Gide, dans Combat du 19 mars 1948, paru après la mort d’Artaud.

Durant la période où il a été hébergé dans une clinique d'Ivry-sur-Seine, il était libre de ses mouvements. Artaud a écrit sur plus de quatre cents cahiers d'écolier, dessiné des autoportraits et des portraits de ses amis à la mine de plomb et craies de couleurs. En novembre 1947, il enregistre pour la radio Pour en finir avec le jugement de dieu avec la participation de Maria Casarès, Paule Thévenin et Roger Blin. Programmé pour le 1er février 1948, le directeur de la Radiodiffusion française, Wladimir Porché qui avait écouté l'enregistrement la veille, effrayé par le langage trop cru d'Artaud, décide d'interdire l'émission. Il allait en cela à l'encontre d'un verdict favorable à sa diffusion, rendu par un jury d'artistes et de journalistes réunis autour de Fernand Pouey.

« Il suffit toutefois de lire les articles de la presse de l'époque […] pour comprendre que les jugements furent sans doute moins caricaturaux […] ils témoignent avant tout de l'embarras des responsables de la radio et des journalistes devant un objet radiophonique rigoureusement inclassable. À preuve le désaveu de la rédaction du Canard enchaîné. »

Le texte a fait l'objet d'une publication posthume en avril 1948. La même année, Artaud publie Van Gogh le suicidé de la société, où il affirme que le peintre n'était pas fou et s'en prend violemment aux psychiatres.

Toujours souffrant, Artaud a repris sa consommation de drogues pour calmer ses douleurs. Il n'effectue pas un séjour de désintoxication, mais continue d'écrire, notamment à la demande de Michel de Ré qui veut fonder une revue théâtrale. Il lui donne entre autres le texte Aliéner l'acteur.

Atteint d'un cancer du rectum diagnostiqué trop tard, Antonin Artaud meurt le matin du 4 mars 1948, probablement victime d'une surdose accidentelle d'hydrate de chloral, produit dont il connaissait mal l'usage. On l'a retrouvé recroquevillé au pied de son lit. Toutes ses affaires, ses notes, ses livres, ses cahiers, ses dessins accrochés aux murs, ses manuscrits, seront volés quelques heures plus tard.

Artaud était convenu, par contrat avec les éditions Gallimard du 6 septembre 1946, de la publication de ses œuvres complètes (composées d'au moins quatre tomes), dont il avait lui-même inscrit la liste dans une lettre datée du 12 août 1946 à Gaston Gallimard. Publication qui fut menée pendant près de quarante ans par Paule Thévenin. Sur la dernière page de son dernier cahier de brouillon (cahier 406, feuillet 11), on a pu lire ses dernières phrases : « De continuer à / faire de moi / cet envoûté éternel / etc. etc. »