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Le bleu :

Selon Michel Pastoureau le bleu serait la couleur préférée de plus de la moitié de la population occidentale (50 %) devant le vert (20 %) et le rouge (10 %). Le bleu est la couleur :

Plus que toutes autres, cette couleur a fait l'objet d'une véritable vénération. La promotion du bleu, dédaigné par l'Antiquité et le haut Moyen-âge accompagne la puissance grandissante du roi de France. Le blason de fleurs de lys stylisées sur fond azur est un double hommage au culte marial. La couleur bleu du manteau de la vierge étant peut-être déjà assimilée à une protection venue du ciel alors que le lys est le symbole de la virginité et l'or couleur de lumière. La domination progressive des rois France sur l'Europe contribue à assimiler le bleu à la couleur royale et ce d'autant plus qu'émerge en parallèle, comme armes du mythique roi Arthur, un blason calqué sur celui du roi de France : trois couronnes d'or sur fond azur.

Le Moyen-âge ne distingue pas vraiment les nuances de bleu. Le terme azur recouvrant aussi bien le bleu clair que le bleu foncé. L'extraction de la guede pour faire des pastels utilisés par les teinturiers ne sera ruinée que tardivement par l'extraction de l'indigo venu de l'étranger.

Dans l'art, du fait de la splendeur et de la rareté du pigment de lapis-lazuli, le bleu est aussi précieux et recherché que les fonds d'or. Le bleu est la couleur omniprésente de nombreux chef-d'oeuvre de l'Art Gothique International depuis Le diptyque Wilton en 1395, en passant par Les très riches heures du Duc de Berry des frères Limbourg en 1416 et jusqu'à L'Adoration des mages de Gentile da Fabriano, le tableau le plus cher de la Florence du XVème.

A la Renaissance, Piero della Francesca parviendra à un bleu pâle rayonnant d'une douceur ineffable. (Le baptême du Christ, 1450)

Ensuite, le bleu fait l'objet de discussions académiques, il est d'abord la couleur obligée du manteau de la Vierge, protégée par le ciel, comme doit être rouge sa robe, préfiguration de la passion du Christ. Pour ce thème, le bleu commence néanmoins à être concurrencé par l'or, couleur de la lumière privilégiée par le baroque et par le blanc, couleur de la virginité largement diffusée lorsque s'établit le dogme de l'immaculée conception en 1854.

Au XIX siècle, le bleu est estampillé couleur froide et selon une tradition qui remonte à Léonard se doit de creuser la perspective. Même William Turner l'utilisera principalement pour le ciel alors que la mer sera plutôt représentée verte avec, au premier plan, une bande sablonneuse jaune ou marron. Turner structure avec ses couleurs, une grande partie des fonds de ses aquarelles en plein air.

Il faudra attendre Yves Klein (Monochrome bleu, 1960) pour redonner au bleu la valeur mystique qu'elle avait au moyen âge.

 

Le vert :

Selon Michel pastoureau, au moyen-âge déjà, le vert passait pour maléfique, parce qu'il était la couleur du Diable. On évitait de l'afficher sur soi (d'où sa rareté dans les vêtements et dans les armoiries). Le vert est la couleur :

Le rouge :

Selon Michel Pastoureau couleur de la vie par excellence :

Le drapeau rouge n'a jamais été un emblème de la France, mais il a bien failli le devenir au moins à deux reprises : d'une part et surtout lors de la célèbre journée insurrectionnelle du 25 février 1848, au cours de laquelle Lamartine "sauva" de justesse le drapeau tricolore ; de l'autre au printemps 1871, pendant la commune de Paris.

Sous l'Ancien régime, le drapeau rouge n'est en rien un symbole insurrectionnel ou transgressif. C'est au contraire un signal préventif et un symbole d'ordre. On sort en effet le drapeau rouge - ou un grand morceau d'étoffe de cette couleur - pour prévenir les populations d'un danger qui menace et, en cas de rassemblement, inviter la foule à se disperser. Progressivement, ce drapeau est associé aux différentes lois contre les attroupements, parfois même à la loi martiale. Ainsi, dès le mois d'octobre 1789, l'Assemblée constituante décrète qu'en cas de troubles les officiers municipaux doivent signaler l'intervention de la force publique "en exposant à la principale fenêtre de la maison-de-ville et en portant dans toutes les rues et carrefours un drapeau rouge" ; lorsque celui-ci est sorti " tous les attroupements deviennent criminels et doivent être dissipés par la force". Ce drapeau apparaît déjà comme plus menaçant.

Son histoire bascule lors de la journée révolutionnaire du 17 juillet 1791. Le roi qui avait tenté de fuir vers l'étranger, vient d'être arrêté à Varennes et reconduit à Paris. Sur le Champ-de-Mars près de l'autel de la patrie, une "pétition républicaine" est déposée pour demander sa destitution. De nombreux parisiens viennent la signer. La foule est agitée. Le rassemblement semble tourner à l'émeute, l'ordre public est menacé. Le maire de Paris, Bailly, fait hisser à la hâte le drapeau rouge. Mais avant que la foule n'aie eu le temps de se disperser, les gardes nationaux tirent sans sommation. Il y a une cinquantaine de morts, qui deviennent aussitôt des martyrs de la révolution. Le drapeau rouge "teint de la couleur de leur sang" devient, par une sorte d'inversion des valeurs, celui du peuple opprimé, révolté, prêt à se dresser contre les tyrannies.

Désormais il remplit ce rôle pendant toute la révolution, lors d'émeutes ou d'insurrections populaires. Il fait couple avec le bonnet rouge, celui des sans-culottes et des patriotes les plus extrémistes. Peu à peu, il devient l'emblème de ce que l'on nommera plus tard "les socialistes" et plus tard encore "l'ultra-gauche".

Discret sous l'Empire, le drapeau rouge réapparaît au premier plan sous la Restauration, notamment en 1818 et en1830, puis sous la Monarchie de Juillet. Il est présent sur les barricades de 1832 (dans Les Misérables de Victor Hugo qui lui consacre des pages enflammées) puis sur celles de 1848. Le 24 février de cette année, il est brandi par les insurgés parisiens qui proclament la république. Le 25, il les accompagne à l'Hôtel de ville où s'est réuni le gouvernement provisoire. L'un des insurgés, parlant au nom de la foule, demande l'adoption officielle du drapeau rouge, "symbole de la misère du peuple et signe de rupture avec le passé". La révolution en doit pas être escamotée comme en 1830. En ces moments tendus s'affrontent deux conceptions de la république : l'une rouge, jacobine, rêvant d 'un ordre social nouveau ; l'autre tricolore plus modérée, souhaitant des réformes mais nullement un bouleversement de société. C'est alors que Lamartine, membre du gouvernement provisoire et ministre des affaires étrangères prononce deux discours restés célèbres et retourne l'opinion en faveur du drapeau tricolore : "le drapeau rouge est (…) un pavillon de terreur (…) qui n'a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, tandis que le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie (...) C'est le drapeau de la France, c'est le drapeau de nos armées victorieuses, c'est le drapeau de nos triomphes qu'il faut relever devant l'Europe. Même s'il a plus ou mois embelli ses paroles en rédigeant ses mémoires, Lamartine à ce jour là sauvé le drapeau tricolore.

Vingt-trois ans plus tard, le drapeau rouge envahit de nouveau les rues de Paris et est hissé par la Commune au fronton de l'Hôtel de ville. Mais Paris, rouge et insurgé, est vaincu par les troupes tricolores de Versailles, de Thiers et de l'Assemblée. Le drapeau tricolore devient définitivement un drapeau d'ordre et de légitimité ; le drapeau rouge, celui du peuple vaincu, des partis socialistes et révolutionnaires puis, quelques décennies plus tard, celui des parties et régimes communistes. Depuis longtemps déjà son histoire n'est plus nationale mais internationale

Bibliographie :

Michel Pastoureau : Dictionnaire des couleurs de notre temps, ed. Bonneton, 1992

Michel Pastoureau : Le bleu, histoire d'une couleur.