Y a t-il un cinéma d'auteur ?

Michel Serceau

Presses Universitaires du Septentrion. Collection : Arts du spectacle. 356 pages format 24 x 16 cm

La vulgarisation de la notion d'auteur de film, tant du côté de la réception que de la production, fait écran à une question que la critique, héritière zélée de la Politique des auteurs mise en œuvre par les Cahiers du cinéma de jadis, ne pose plus, celle des critères qui permettraient de distinguer, de même que l'on distingue les écrivains des écrivants, les grands cinéastes des réalisateurs et des tâcherons. Ceci ne suffit pas à cela. Les critères d'appréciation étant devenus plus culturalistes qu’esthétiques, ou alors esthétisants, il n’est pas certains en bref que ceux que l’on présente comme des auteurs et les auteurs eux-mêmes soient de grands cinéastes. On ne prend guère en compte la façon dont le film fait sens au-delà de l’information, du discours, du message. Il ne suffit pas d’effets de sens, il faut que le spectateur soit mis en position de participer et même de construire du sens. Des classiques aux modernes, le cinéma a certes considérablement évolué : de nouveaux genres sont apparus, le cinéma documentaire a effectué des avancées et des mues essentielles, on n’est pas auteur aujourd’hui comme on l’était à l’époque des studios. Mais suffit-il d’être auteur ? Les critères sont plus que jamais nécessaires pour distinguer ceux des cinéastes qui sont, au même titre que les grands écrivains et artistes, des créateurs.

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Notes de lecture

Les révolutions technologiques (écran large, 3D, numérique)  ne sont souvent qu'un gadget marketing pour répondre à une crise de la production. Il pourrait en être ainsi du numérique dont la première utilisation du numérique pour un film remonte à 1972 avec les effets spéciaux de Mondwest (Michael Crichton). En 1996, 80% des films hollywoodiens étaient montés sur systèmes digitaux (Joël Angros, la digitalisation d'Hollywood in Quelle diversité face à Hollywood ?, hors série CinémAction, 2002).

Le numérique modifie bien davantage la distribution et la consommation des films que leur nature. Il permet l'autoproduction et les logiciels remplacent les manuels et peuvent systématiser les astuces de scenario. Une numérisation poussée à l'extrême pourrait néanmoins faire que le réel ne soit  plus le référent. Le cinéma ne naitrait alors plus du cinématographe, il nait ex nihilo d'un travail de laboratoire. Ce n'est pas seulement Méliès qui aurait triomphé des frères Lumière. Le film étant réalisé  entièrement avec des machines, il n'y a plus seulement des effets spéciaux ajoutés aux prises de vues. Le film tout entier est un effet spécial. Le cinéma d'animation triomphe des studios ce dont on peut déjà avoir un aperçu avec les différences qui s'estompent entre film et jeux vidéo.

Réhabilite le cinéphile, ravalé au sens de fan chez Jullier et Lavaretto, pour en faire un amateur, un connaisseur qui peut revendiquer, montrer une expertise. Mais il n'est pas un honnête homme pour qui le cinéma n'est pas une passion. Il a simplement intégré le cinéma à côté de la littérature ou de la peinture, comme un témoignage de goût, un vecteur de sens.

Le cinéma d'auteur, institutionnalisé dès le début des années 1960 par le système d'avance sur Recette est entré dans le domaine de la culture subventionnée. Mais l'économie du cinéma français dans la mesure où elle s'appuie sur l'institutionnalisation du cinéma d'auteur est une économie close, qui fonctionne sur des acteurs captifs et n'a qu'un public captif.

Cinéma NRI, cinéma Narratif Représentatif Industriel dans la continuité de Noël Burch qui dans la Lucarne de l'infini parlait de la constitution d'un MRI (Mode de Représentation Institutionnel) qu'il opposait au MRP (Mode de Représentation primitif) du cinéma des premiers temps.

La demande du public cultivé et éclairé d'aujourd'hui est davantage une demande de thèmes qu'une demande de formes : la fonction civique de l'art l'emporte, dans la réception comme dans la production, sur les autres fonctions. Il ne cherche pas le sens de l'œuvre dans sa forme. Il accommode beaucoup plus facilement de ce qui est nourri d'effet de brillant, de ce qui est de l'ornement plus que de l'art, ou de ce qui, collant au réel, n'est que de l'information. On voit en résumé se dissoudre des critères que le mouvement des ciné-clubs avait travaillé à forger.


Films culte de l'honnête homme : Easy rider et 2001 mais aussi Stalker et Melancholia, qui n'ont pour l'auteur que le brillant du récit et de la forme. Il leur prédit le même succès éphémère que Des dieux et des hommes.

Examen pour la panthéonisation de quatre classements :

Le cinéma français absent de presque tous les palmarès sauf pour les Cahiers (un quart)

On ne peut évidemment dans un livre sur la question de l'auteur passer sous silence la question du film autobiographique, ou de l'autobiographie dans le film. Michel Serceau développe une analyse constructive de mon travail sur ce sujet : (paragraphes 53 à 64).