L'automne du Moyen Age

Johan Huizinga

1919

Inspire Verhoeven pour La chair et le sang (1985)

L'Automne du Moyen Age de Johan Huizinga  est publié à Haarlem, aux Pays-Bas en 1919. Sous-titré, Études sur les formes de vie et de pensée aux XIVe et XVe siècles en France et en Hollande, l'ouvrage est traduit en français en 1932 sous le titre inexact de Déclin du Moyen Age. La thèse centrale est  que XIVe et XVe siècles sont le crépuscule de la civilisation médiévale. Dans sa préface Huizinga annonce : "Dans ce livre nous avons cherché à saisir pour les XIVe et XVe siècles non l'aube de la Renaissance, mais le crépuscule du Moyen Age, celui que fut à sa dernière période de vie la civilisation médiévale, désormais semblable à un arbre épanoui et chargé de fruits trop mûrs. Et de poursuivre, en des termes inspirés : Notre regard, en écrivant ces pages, était tourné vers la profondeur d'un ciel crépusculaire, un ciel rouge de sang, lourd d'obscurités livides, et pénétré d'une fausse lumière cuivrée."

L'ouvrage est composé de vingt-deux brefs et denses chapitres ordonnés de façon éclatée, inattendue. Ton vif, formules à l'emporte-pièce, courts tableaux évocateurs, montage habile de citations, progression des idées comme par illuminations successives : le lecteur ne peut qu'être séduit.

« La vie était si violente et si contrastée qu'elle répandait l'odeur mêlée du sang et des roses. » Selon Huizinga, le quotidien médiéval se vit en de perpétuelles tensions entre sentiments ou actions contraires : cruauté et pitié, passions extravagantes et mélancolie, irrévérence religieuse et foi profonde, idéal chevaleresque et égoïsme, codes courtois et rudesse de la vie sexuelle des hautes classes. L'aspiration à une vie plus belle passe par le rêve, qui agit sur la réalité. Surtout chez les nobles : rêve d'héroïsme qui se transcrit dans le tournoi ou les ordres de chevalerie la Toison d'or ; rêve de vie idyllique dans l'éloge de la vie simple la pastourelle. Mais au rêve s'ajoute la vision de la mort, figurée de manière réaliste la danse macabre.

Ce brillant ouvrage a ses limites : des sources réduites à quelques poètes, théologiens et chroniqueurs Huizinga en est d'ailleurs conscient ; une vue limitée à la France du Nord et au duché de Bourgogne l'Italie est absente de l'ouvrage ; des approximations et des généralisations parfois hâtives. Il ignore Freud, mais montre que l'idéal chevaleresque a une base érotique ; il explore les arcanes de la mélancolie.  Charnel et provocant, le livre relève un élément essentiel, bien souligné par Jacques Le Goff : « Le fait qu'il faut aller chercher le sens d'une société dans son système de représentations et dans la place qu'occupe ce système dans les structures sociales et dans la «réalité». »