Ignoré de son vivant, Kleist conquit, après sa mort tragique à 34 ans, une audience considérable. Ses œuvres, denses, succinctes, se composent de quelques tragédies et nouvelles. Aux circonvolutions de Goethe, il préféra une prose rapide, sans détails superflus, digne de l’homme d’action et de l’officier prussien qu’il avait été. Malgré une certaine appétence pour les phrases longues, dans le style de son époque, ses écrits sont toujours parfaitement lisibles pour notre époque. En 2015, Amour fou de Jessica Hausner, librement inspiré de la vie de Kleist, revient notamment sur son suicide.

1976 : Eric Rohmer, La Marquise d'O.
2013 : Arnaud des Pallières, Michael Kohlhaas

Heinrich von Kleist nait à Francfort-sur-l'Oder le 18 octobre 1777. Issu d'une famille noble de militaires, il perd son père en 1788, capitaine dans un régiment de Francfort qui laisse sa femme et ses enfants dans une situation financière difficile. Heinrich entree en 1792 dans l'armée prussienne comme caporal. En 1793, il participe au Siège de Mayence. Il perd sa mère. En 1799, Kleist démissionne de l'armée et s'inscrit à l'université de Francfort : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En 1800, il se fiance avec Wilhelmine von Zenge. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En 1801, il lit Kant, ce qui le plonge dans une profonde dépression.

Après un voyage en France avec sa sœur, Ulrike, il s'installe à Berne où il termine sa première pièce, La famille Schroffenstein. En 1802, il se brouille avec sa fiancée Wilhelmine et tombe malade. Un médecin lui diagnostique une "mélancolie morbide". Sa sœur le ramène à Weimar. La famille Schroffenstein est publiée anonymement l'année suivante. Cette année 1803 est synonyme de voyages : Leipzig, Dresde, Berne, Milan, Genève, Paris. En octobre, après avoir brûlé le manuscrit de Robert Guiscard, il quitte secrètement la capitale française et part, à pied et sans passeport, jusqu'au camp de Boulogne, afin de s'engager dans l'armée française, qui prépare l'invasion de l'Angleterre, et y mourir. Tandis qu'à Paris, son ami Ernst von Pfuel recherche son cadavre à la morgue, le croyant mort, il arrive à Saint-Omer le 23 octobre. Après un premier échec, il retourne à Paris, avant de faire une nouvelle tentative le 18 novembre. Puis, renonçant à ses projets, il obtient un passeport auprès de l'ambassade de Prusse et retourne en Allemagne. Tombé malade peu après, il s'arrête à Mayence où il demeure alité six mois et termine Robert Guiscard. Il est soigné par Georg Wedekind, médecin jacobin, qui tente de lui obtenir une place dans l'administration française de Coblence, mais il repart vers Berlin où il arrive au début de l'été 1804, après une visite à Ludwig Wieland, fils de Christoph Martin Wieland, à Weimar et un passage par Francfort-sur-l'Oder et Potsdam. À l'automne suivant, ses amis lui obtiennent une place d'apprenti à l'administration des Domaines à Kœnigsberg, où il arrive en mai 1805, revoit ses premières compositions et écrit Michael Kohlhaas, La Marquise d'O et Amphitryon d'après Molière.

En février 1806, il demande un rallongement de six mois de ses études. Toutefois, en juin, renonçant définitivement à une carrière de fonctionnaire, il demande à quitter le service, prétextant des problèmes de santé. Il termine la pièce La cruche cassée.

En janvier 1807, voulant se rendre à Dresde, il est à nouveau soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui a refusé un laissez-passer. À cette époque, Napoléon Ier, fraîchement couronné empereur des Français le 2 décembre 1804, et successivement vainqueur à Ulm et à Austerlitz en 1805, puis à Iéna et Auerstadt en 1806, est entré en vainqueur à Berlin (novembre 1806), où il a décrété le blocus continental. Kleist, arrêté avec ses amis Karl Franz von Gauvain et Christoph Adalbert von Ehrenberg par les Français, est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est incarcéré au fort de Joux du 5 mars au 9 avril 1807, puis transféré à Châlons-sur-Marne, avant d'être libéré le 13 juillet, après la paix de Tilsit.

Sa pièce Amphitryon est publiée à Dresde par Adam Müller, avec lequel il se lie d'amitié et qui est à la tête d'un groupe littéraire actif.. Installé à Dresde le 31 août 18071, Kleist publie sa nouvelle Tremblement de terre au Chili, finit Penthésilée et La petite Catherine de Heilbronn.

En 1808, paraît le premier numéro de la revue littéraire Phœbus, fondée avec Adam Müller. Kleist propose à Goethe d'y collaborer, mais celui-ci refuse, critiquant sévèrement Kleist. Phœbus ne dure qu'un an. La même année paraît La Marquise d'O, tandis qu'est représentée pour la première fois La cruche cassée. Un fragment de Michael Kohlhaas voit le jour, ainsi que La bataille d'Arminius, pièce qui sera interdite de représentation en 1809 et qui sera publiée seulement dix ans après la mort de l'auteur.

En 1810, Kleist est animé par l'espoir d'une coalition entre la Prusse et l'Autriche, contre Napoléon. Il décide d'écrire un drame en honneur de la famille Hohenzollern: Le prince de Hombourg, inspiré des Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg de Frédéric II. La même année, Kleist lance sa deuxième revue littéraire : des journaux destinés à être publiés cinq fois par semaine, les Abendblätter, aux contenus fort patriotiques. En novembre, il rencontre une femme mariée, par ailleurs musicienne, Henriette Vogel, avec qui il échange une correspondance amoureuse.

En 1811, sont publiés La cruche cassée et sa nouvelle, Les fiancés de Saint-Domingue. Les Abendblätter s'arrêtent. Kleist demande et obtient sa réintégration dans l'armée. Il adresse à Henriette les Litanies de la Mort. Ils se donnent rendez-vous à Wannsee, près de Potsdam, où ils se donnent la mort ; Kleist tue Henriette, atteinte d'un cancer, puis retourne l'arme contre lui.

 

Principales adaptations par odre chronologique
Michael Kohlhaas Arnaud des Pallières France
2013
Jack Bull John Badham USA
1999
Le prince de Hombourg Marco Bellocchio Italie
1997
Le prince de Hombourg Gabriele Lavia Italie
1983
Catherine de Heilbronn Eric Rohmer France
1980
La Marquise d'O Eric Rohmer France
1976
Michael Kohlhass, Der Rebell Volker Schlöndorff Allemagne
1969
     



Nouvelles et oeuvres théâtrales de Kleist

1803 : La Famille Schroffenstein (publié en 1822) ;
1807 : Robert Guiscard (manuscrit brûlé par l'auteur à Paris en 1803, dont il ne reste que dix scènes, retranscrites de mémoire à Dresde en 1807 et publiées en mai 1808)
1807 : Amphitryon (écrit en 1805)
1807 : Le Tremblement de terre au Chili (puis 1810, 1er tome des nouvelles)
1808 : La Marquise d'O. (écrit en 1805 et publié en 1810, 1er tome des nouvelles)
1808 : Michael Kohlhaas (écrit en 1805 et publié en 1810, 1er tome des nouvelles)
1808 : Les Fiançailles à Saint-Domingue (puis 1811, 2e tome des nouvelles)
1808 : Penthésilée (écrit en 1805-1807)
1808 : La Cruche cassée
1808 : La Bataille d'Arminius (paru en 1821)
1810 : L'Ordalie ou La petite Catherine de Heilbronn
1810 : Le prince de Hombourg (écrit en 1808-1810, paru et créé en 1821)
1810 : La Mendiante de Locarno (puis 1811, 2e tome des nouvelles)
1811 : L'enfant trouvé (2e tome des nouvelles)
1811 : Sainte Cécile ou la puissance de la musique (2e tome des nouvelles)
1811 : Le Duel (puis 1811, 2e tome des nouvelles)


La Marquise d'O.
(1805, 1808, 1810)

La Marquise d'O. (écrit en 1805 et publié 1808 puis en 1810 dans le 1er tome des nouvelles). En 1799, une place forte lombarde tombe aux mains de l'ennemi. Une jeune veuve, la marquise d'O, est en passe de subir les outrages de ses vainqueurs lorsqu'un comte russe la sauve du déshonneur. Profitant d'un profond sommeil de la marquise, il la viole. Puis, repentant, insiste pour l'épouser. La marquise, qui le considère comme son sauveur, l'éconduit avec respect. Quelque temps plus tard, elle est la proie de vertiges et d'évanouissements. Un médecin et une sage-femme l'affirment enceinte. Ses parents outragés la chassent et elle doit se réfugier dans ses terres. Elle prend l'initiative de faire passer dans le journal local une annonce demandant au père inconnu de se faire connaître : elle se déclare décidée à l'épouser, quel qu'il soit. Un inconnu lui fixe un rendez-vous. A l'heure dite, c'est le comte qui apparaît. Epouvantée, ulcérée, la marquise le repousse. Elle l'épouse à condition qu'il renonce à ses droits d'époux. Le mariage est célébré. Aussitôt après les conjoints se séparent, Après une année de purgatoire la comtesse se jette dans les bras de son époux après le baptême de leur enfant.

1976 : Eric Rohmer, La Marquise d'O. Avec : Edith Clever (Marquise), Bruno Ganz (Le comte), Peter Lühr (le Colonel, père de la Marquise), Edda Seippel (la mère de la Marquise), Bernard Freyd (Leopardo), Otto Sander (le frère). 1h47.

Dans Amour fou (Jessica Hausner, 2014), Henriette et Heinrich discutent de La marquise d'O.


Michael Kohlhaas
(1805,1808, 1810)

Michael Kohlhaas (écrit en 1805 et publié 1808 puis en 1810 dans le 1er tome des nouvelles) est un court roman historique de 150 pages situé au XVIe siècle. Un simple marchand de chevaux se trouve aux prises avec l’arbitraire de la société féodale. La banalité du thème ne doit pas tromper le lecteur sur la puissance du roman. Il retrace la lutte inouïe d’un marchand de chevaux contre les institutions de ce temps. Kohlhaas, héros à la limite de la folie, combat pour la Justice et menace, en quelques semaines, l’équilibre politique et social de l’Electorat de Saxe tout entier.

Sujet brandebourgeois, la future Prusse, Michel Kohlhaas se rend en Saxe pour vendre quelques uns de ses plus beaux chevaux. Arrêté à quelques verstes de la frontière entre les deux États par les barrières d’une forteresse, on exige de lui le paiement de droits de douanes. Kohlhaas, qui a déjà franchi maintes fois la frontière, n’a jamais eu à payer quoi que ce soit pour cela. Le ton monte rapidement avec les serviteurs du Junker von Tronka, propriétaire de ladite forteresse : le Junker lui-même finit par intervenir et confirme au marchand la teneur des nouvelles lois. Dans le doute, l’édiction d’une nouvelle ordonnance n’étant pas à exclure, Kohlhaas laisse en otage deux de ses plus beaux chevaux à l’intendant du château.

A Dresde, les services du Prince lui confirment qu’il a été roué : von Tronka n’avait aucun droit pour lui réclamer une taxe et les chevaux, laissés en gage, lui reviennent sans contrepartie. Revenu au château, armé de cette réponse, il exige la restitution de ses animaux. Or, ceux-ci ont été maltraités par les serviteurs de von Tronka : en quelques semaines, les superbes étalons, usés par les travaux de ferme, mal nourris, sont devenus deux haridelles décharnées. Kohlhaas exige la remise sur pied des animaux, qu’on lui refuse.

La banale escroquerie dont a été victime Kohlhaas l'entraine dans des procédures auprès de la cour de Dresde. Les von Tronka, famille influente, opposent au souci de justice de Kohlhaas toute la puissance de leurs relations. Débouté plusieurs fois, de manière totalement inique, par les magistrats puis les ministres du Prince, tous affiliés aux Tronka, présents aux plus hauts sommets de l’État saxon, sa femme tuée involontairement par les gardes du roi, Kohlhaas se métamorphose subitement. De simple bourgeois, légaliste, convaincu de son bon droit, il devient une force vengeresse implacable. Il vend tous ses biens pour recruter quelques mercenaires et attaque de nuit la forteresse des Tronka. Le Junker lui échappe mais le château est rasé, les serviteurs exterminés. A la puissance injuste d’une société faite de relations personnelles, qui n’est légaliste qu’en apparence, il oppose une violence barbare. Pourchassant sans relâche von Tronka, il remporte plusieurs succès inattendus contre les forces de l’Etat. L’homme commun est devenu un archange vengeur. Partout Kohlhaas joue sur les tensions sociales entre la noblesse et le peuple : il se proclame justicier de Dieu, arme des paysans et poursuit de sa folie revancharde les Tronka.

L’État s’en vient rapidement à trembler sur ses bases. Pour le neutraliser, le Prince lui envoie Martin Luther. Le prédicateur apaise Kohlhaas et lui transmet une promesse du Prince : l’amnistie contre l’assurance d’un procès équitable. Kohlhaas, sur la foi de cette garantie, rend les armes – peut-être un peu vite. Car les Tronka finissent par obtenir son arrestation. Les arguties juridiques échangées entre le Prince de Saxe, celui du Brandebourg et l’Empereur à son sujet débouchent finalement sur un procès rapide, et sur sa condamnation. L’idée de Justice dont se faisait fort Kohlhaas paraît alors vaincue par le monde réel, non par la loi, mais par la puissance brute et effective des Tronka. Sa vengeance démesurée n’a-t-elle servi à rien?

Les Tronka ont gagné en apparence seulement : certes, Kohlhaas est condamné. En réalité, cette victoire signe la fin de leur règne. Le Prince permet la condamnation de Kohlhaas mais il démet les Tronka de leurs hautes fonctions. Ceux-ci se sont en effet décrédibilisés : ils ont été vaincus militairement à plusieurs reprises par un simple bourgeois et quelques paysans ; ils ont mis en danger l’Etat pour deux chevaux, par une obstination coupable à défendre une cause stupide. Et dans l’ordre féodal, cette défaite honteuse ne peut se racheter par une victoire juridique. Ils ont perdu leur statut. Leur fonction de défenseurs du Prince n’est plus tenable.

Récit tragique, Michel Kohlhaas livre néanmoins au lecteur un superbe retournement final. L’astuce romanesque est certes un peu grossière, primitive : Kohlhaas a reçu d’une bohémienne un papier sur lequel est inscrit l’avenir du Prince-Electeur de Saxe. Extrêmement superstitieux, celui-ci tente par tous les moyens de récupérer ce document. Le jour de son exécution, Kohlhaas se voit proposer un marché : il sera grâcié s’il livre le précieux parchemin. Kohlhaas peut par un ultime retournement du destin sauver sa tête.. S’il livre le secret, il sort libre de cette affaire et les Tronka ont perdu tout crédit politique ; s’il ne le livre pas, il brise les espoirs superstitieux du Prince et lui démontre qu’un simple individu peut tout face au pouvoir, à condition de ne pas tenir à sa vie.

Kohlhaas préfère avaler le papier, après l’avoir lu. Exécuté sur la roue, il sort paradoxalement vainqueur, par sa mort, de son combat justicier.

1969 : Volker Schlöndorff, Michael Kohlhass, Der Rebell. Avec : David Warner (Michael Kohlhaas), Anna Karina (Elisabeth Kohlhaas), Thomas Holtzmann (Martin Luther), Michael Gothard (John), Kurt Meisel (Le chancelier), Anton Diffring (L'Electeur de Saxe), Gregor von Rezzori (Kunz), Peter Weiss (Richter), Anita Pallenberg (Katrina), Relja Basic (Nagel), Inigo Jackson (Wenzel von Tronka). 1h39.

1999: The Jack Bull. Avec : John Cusack (Myrl Redding), John Goodman (Judge Tolliver), L.Q. Jones (Henry Ballard), Miranda Otto (Cora Redding). 1h56. Libre adaptation sous forme de western.

2013 : Arnaud des Pallières, Michael Kohlhaas. Avec : Mads Mikkelsen (Michael Kohlhaas), Mélusine Mayance (Lisbeth), Delphine Chuillot (Judith), Swan Arlaud (Le baron), David Bennent (César), Bruno Ganz Bruno (Le gouverneur), Denis Lavant (Le théologien), Roxane Duran (La princesse), Paul Bartel (Jérémie). 2h02.

L’idée de Justice dont se faisait fort Kohlhaas paraît vaincue par le monde réel, non par la loi, mais par la puissance brute et effective des Tronka. Sa vengeance démesurée n’a-t-elle servi à rien ? Les Tronka ont gagné en apparence seulement : certes, Kohlhaas est condamné. En réalité, cette victoire signe la fin de leur règne. Le Prince permet la condamnation de Kohlhaas mais il démet les Tronka de leurs hautes fonctions. Ceux-ci se sont en effet décrédibilisés : ils ont été vaincus militairement à plusieurs reprises par un simple bourgeois et quelques paysans ; ils ont mis en danger l’Etat pour deux chevaux, par une obstination coupable à défendre une cause stupide. Et dans l’ordre féodal, cette défaite honteuse ne peut se racheter par une victoire juridique. Ils ont perdu leur statut. Leur fonction de défenseurs du Prince n’est plus tenable.

Michel Kohlhaas peut aussi nuire gravement au supersitieux Prince Electeur en le frustrant de la maîtrise de sa destinée. Victime de l’arbitraire d’une société clanique, dans laquelle l’homme seul, violent ou pacifique, n’a aucune chance de voir ses droits reconnus par le pouvoir, Kohlhaas peut par un ultime retournement du destin sauver sa tête. S’il livre le secret, il sort libre de cette affaire et les Tronka ont perdu tout crédit politique ; s’il ne le livre pas, il brise les espoirs superstitieux du Prince et lui démontre qu’un simple individu peut tout face au pouvoir, à condition de ne pas tenir à sa vie. Au jeu de la puissance brute, l’homme enchaîné et condamné paraît bien faible face au pouvoir institutionnel princier. Mais en réalité, il garde, dans cette situation pénible toute sa liberté

En apparence, la justice princière sort intacte, quoique passablement inique, de la sinistre aventure de Kohlhaas. En réalité, Kleist a affirmé toute la puissance de la liberté humaine face à la conjonction de l’injustice, du pouvoir arbitraire et du destin. Kohlhaas aurait pu céder, renoncer, opter pour l’apaisement. Il se fait archange vengeur, détruit la position de force des Tronka et brise le supersitieux Prince Electeur en le frustrant de la maîtrise de sa destinée. L’ordre paraît maintenu, mais au fond, il est brisé par l’idée de Justice porté par Kohlhaas. L’incroyable force de ce roman authentiquement révolutionnaire est d’avoir, en moins de 150 pages, permis cette victoire à son marchand. L’ordre inique finit puni et la cause du marchand a triomphé – même s’il l’a payée de sa vie.

source : le blog Brumes

 


La petite Catherine de Heilbronn
(1810)

 

Au Moyen Age, le comte Wetter von Stahl est accusé d'avoir ensorcelé la fille de l'armurier de Heilbronn, Catherine Friedeborn qui n'a que quinze ans. Le comte tente de se disculper en procédant lui-même à l'interrogatoire de la jeune femme. Il la convainc de retourner chez son père.

Revenu ses terres, le comte apprend que Le Rhingrave von Stein exige au nom Cunégonde de Thurneck la restitution d'un fief de trois villes. Dans la forêt c'est le noble Burgrave qu'il tue après qu'il se soit prétendu le mari d'une belle jeune femme en détresse. Le comte apprend alors que la jeune femme en question est Cunégonde de Thurneck. Il en tombe amoureux et en guise de cadeau de fiançailles lui offre le fief de trois villes qu'elle convoitait. Brigitte une servante lui apprend qu'un rêve hante le comte: un chérubin lui aurait désigné une jeune fille comme l'enfant de l'empereur. Cunégonde pense que c'est elle.

Catherine veut entrer au couvent des Ursulines mais à sa porte subtilise une lettre qu'elle s'empresse d'amener au comte. C'est un message du Rhingrave von Stein qui projette d'attaquer son château pour se venger de lui et de Cunégonde. En effet, celle-ci promet le mariage à tous mais n'est jamais là pour les noces. La tour du château est déjà en flamme et Cunégonde exige que Catherine s'en aille y chercher son portait qu'elle a enfermé dans un étui. Catherine en revient miraculeusement indemne mais Cunégonde est furieuse, l'étui manque.

Brigitte découvre bientôt l'objet de sa fureur : l'étui contenait le titre de propreté du fief des trois villes. Catherine revient horrifiée d'un bain où elle a surpris Cunégonde nue. C'est un chevalier qui en donne la raison, Cunégonde n'est pas une sorcière mais une vieille femme décatie qui ne doit sa beauté qu'à des cheveux et des dents achetées et à un corset de fer. Voila pourquoi elle n'accepte jamais le mariage et le promet seulement pour s'enrichir.

Le comte remercie Catherine et comprend que ce qu'il croyait être un rêve était un réel mouvement de son esprit vers elle. Déplacé à Heilbronn par un chérubin, celui-ci lui avait montré par une tache de naissance l'auguste ascendance de Catherine.

L'empereur est néanmoins scandalisé par cette rumeur et condamne le comte au jugement de dieu. Théobald Friedeborn ne peut néanmoins lever son arme sur le comte et l'empereur reconnait la faute commise seize ans plus tôt alors qu'il était à Heilbronn. Catherine sera désormais Catherine de Souabe et il promet de donner sa main au comte qui obtient aussi la bénédiction de Théobald. Ceux-ci promettent se venger de Cunégonde. Catherine accepte avec joie de devenir la femme du comte.

1980 : Eric Rohmer, Catherine de Heilbronn. Téléfilm d'après la pièce d'Heinrich von Kleist. Avec : Pascal Greggory (Fédéric Wetter de Stheal), Pascale Ogier (Catherine de Heilbronn), Jean-Marc Bory (Théobald Friedeborn), Arielle Dombasle (Cunégonde de Thurneck), Daniel Tarrare (Gottschalk, l'empereur), Marie Rivière (Brigitte), Françoise Quéré (Rosalie, Isaac, l'ange), Vanina Michel (Comtesse Helena), Jean Boissery (Le Rhingrave von Stein, Georges), Daniel Tarrare (Hans von Bärenklau), Gérard Falconetti (Le Burgrave/ Eginhardt). 2h18.

Dans un document d'archives de l'INA de novembre 1979, Rohmer explique que ce qui l'a séduit dans la pièce est qu'elle est aussi un conte et même un ensemble de contes où beaucoup de gens se croisent et viennent raconter des histoires. Il demande à Yannis Kokkos d'accentuer l'aspect spectaculaire et fantastique de la pièce, de la tirer vers les contes de Grimm et Hoffmann. Pour Rohmer, il s'agit d'un moyen âge rêvé, vu par les romantiques. La mise en scène doit donc s'éloigner de l'esthétique romane française de Perceval le gallois et s'inspirer du romantisme des premières années du XVIIIe allemand.


Le prince de Hombourg
(1810)

Le Prince Frédéric de Hombourg, à la veille d'une importante bataille contre les Suédois, est surpris par la cour en pleine crise de somnambulisme. Le Grand Électeur, oncle du Prince, s'amuse à lui décerner des honneurs imaginaires. Nathalie, fiancée du Prince, est troublée et laisse dans sa main un de ses gants. En revenant à lui, le Prince, surpris par la présence de ce gant, se demande s'il a rêvé ou non: il n'écoute pas (ou peu) les instructions alors que l’Électeur,chef de l'État et de l'armée, ordonne de ne pas attaquer avant son ordre. Dans la confusion du combat, Frédéric croit que l’Électeur a été tué: il ordonne l'attaque et remporte la victoire, mais contre les ordres reçus. L’Électeur souhaite que son indiscipline soit punie de façon exemplaire. Il laisse à Frédéric le choix de la sentence. Celui-ci est d'abord terrifié par cette mort sans gloire, mais, dans l'intérêt de l'État, il finit par accepter sa condamnation. Lorsqu'il ôte le bandeau que son bourreau lui avait mis, il se rend compte qu'il se trouve dans l'église, face à la cour et qu'il était mené à son mariage avec Nathalie.

1983 : Gabriele Lavia, Il principe di Homburg. Avec Gabriele Lavia (Federico Arturo von Homburg), Monica Guerritore (Natalia), Massimo Foschi (Principe Elettore), Bianca Galvan ( Principessa Elettrice), Alberto Mancioppi (Hoenoellen). 1h35.

1997 : Marco Bellocchio, Il principe di Homburg. Avec : Andrea Di Stefano (Le prince de Hombourg), Barbora Bobulova (Natalia), Toni Bertorelli (Friedrich, le prince électeur), Anita Laurenzi (Electoress), Fabio Camilli (Hohenzollern), Bruno Corazzari (Kottwitz), Pierfrancesco Favino (Sparren), Federico Scribani (Capt. Stranz). 1h29.

La pièce est présentée au Festival d'Avignon avec Gérard Philipe dans le rôle du prince Frédéric Arthur de Hombourg en 1951 dans une mise en scène de Jean Vilar très dépouillée ornée de quelques notes de trompette de Maurice Jarre. La pièce sera rejouée en 1952, 54 et 56. En 1984, c'est "Frédéric Prince de Hombourg" qui est mis en scène par Manfred Karge et Matthias Langhoff au Théâtre municipal d'Avignon. En 2014, Giorgio Barberio Corsetti met en scène la pièce pour la Cour d'honneur du Palais des papes d'Avignon avec Xavier Gallais dans le rôle titre et grâce à une traduction de Ruth Orthmann et de Eloi Recoing. La pièce fait l'ouverture du festival, mais en raison d'un mouvement social de la part des intermittents et précaires du spectacle contre la nouvelle convention d'assurance chômage signée le 22 mars et entrée en vigueur le 1er juillet, la générale du 3 juillet est interrompue, la première est annulée.

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