Considérations sur l'économie du cinéma

L'économie du cinéma français se porte bien. Son mode de production et de consommation passe dorénavant par la télévision qui le finance à hauteur de 30 % mais surtout lui assure la majorité de ses spectateurs. La télévision popularise le cinéma. Au temps de leur splendeur, les salles françaises n'ont jamais pu réunir plus de 411 millions d'entrées (1957), tandis que la TV délivre chaque année entre 4 et 6 milliards de tickets.

Quelques questions doivent néanmoins être posées En quel terme le brillant avenir promis à l'industrie des programmes va-t-il profiter à celle du cinéma ? Son intégité n'est elle pas menacée face aux éxigences de l'audimat et à l'impérialisme américain. S'agit-il encore de cinéma ? Cette transformation ne fragilise-t-elle pas le cinéma ? Les mesures réglementaires prisent en France depuis 1981 expliquent en effet une grande part de la bonne santé du cinéma français par rapport à l'effondrement des autres cinémas européens.

Ainsi pour Charles Castella, président de l'ACID :

" L'argent n'est pas une garantie de qualité, mais le manque d'argent non plus. Samuel Fuller définissait ainsi le film d'auteur indépendant : "le cinéaste fait son film du début à la fin de la chaîne". L'indépendance se fait aussi par rapport aux bailleurs de fond. Pour un film avec un gros budget, le réalisateur est souvent amené à s'auto-censurer ou du moins à aller dans une direction consensuelle sachant que si le film est coproduit par une grande chaîne c'est pour être diffusé à 20h30 et toucher un très large public. Les impératifs de programmation et de formatage de la télévision contaminent l'objet film.

Contrairement à ce que peuvent dire certains diffuseurs : "le public à toujours raison ". C'est faux, Truffaut a dit "dans le succès il y a souvent un malentendu " et si je développe, il faut se souvenir que Cézanne allait au salon des indépendants pour présenter ses toiles et le public allait voir Bougereau. Donc le public n'avait pas raison. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas le même phénomène pour le cinéma.

Pour lancer un film, quand une chaîne dit "C'est bon pour le 20h30, elle va communiquer sur le film en masse et travailler avec de puissants distributeurs. Cette alliance a l'efficacité d'une machine de guerre : les budgets de communication sont en inflation ; partout on est sommé d'aller voir le film, et quelque fois même s'il est mauvais pour "être dans le coup", il faut l'avoir vu.

On sait aussi que le chiffre de l'exploitation d'un film se fait rapidement parfois dans les deux premières semaines. Pendant deux semaines, vous avez la publicité au journal télévisé de la chaîne en question, des annonces sont faites dans toutes les émissions de promotion, où sont invités les acteurs, il y a un matraquage ; les spectateurs sont quasiment conditionnés pour aller voir le film parce qu'ils ont le sentiment qu'il n'y a que ceux là qui existent. Cela ne veut pas dire que les films sont forcement mauvais, mais cela veut dire que la mécanique est faussée. Tout fonctionne dans la communication, c'est ce que nous avons compris, et pour cette raison, on essaye de faire exister des films d'une façon concrète avec les réseaux d'exploitants indépendants, avec le travail associatif et par Internet, ou de nouveaux partenaires comme TV5."

ACID : Agence du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion. Propos parus dans Zeuxis n°18, mai-juin-juillet 2005.

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