Editeur : Carlotta-Films, février 2007. Langue : japonais. Sous-titres: français. Son : mono. Format : 1,37.

Suppléments :

  • Récit de Tokyo (11 min) Une illustration d’un texte de Kiju Yoshida, tiré de son essai Ozu ou l’anti-cinéma.
  • Jeux de rôles (27 min) En compagnie de Paul Jobin, Kazuhiko Yatabe et Charles Tesson, une réflexion sur les domaines particuliers assignés aux personnages dans Voyage à Tokyo.
  • Voyage dans le cinéma : Voyage à Tokyo (15 min). Un retour sur les lieux du tournage de Voyage à Tokyo.
  • Bande-annonce d’époque.

 

Voyage à Tokyo est le film qui a fait d'Ozu l'un des cinéastes nippons les plus appréciés de l'Hexagone, au même titre que Akira Kurosawa et Kenji Mizoguchi.

Ozu n'a connu une reconnaissance internationale que posthume et c'est grâce à ce film que le public français le découvre en 1978 seulement, soit plus de vingt ans après les deux autres maîtres japonnais (Naruse attendra plus longtemps encore). L'excellente copie présentée ici permet de constater que l'immense succès que connu ce film au Japon comme en France est tout à fait justifié.

S'il ne faut choisir qu'un seul chef d'oeuvre parmi les treize films de la fin de carrière d'Ozu réalisés à partir de la matrice de Printemps tardif (1949) alors nous élirons celui-ci. Ici aussi, la méditation sur le temps et les mutations nécessaires et douloureuses prend le pas sur le contexte social pourtant toujours traité en arrière plan.

Parmi les bonus, nous ne conseillerons pas la vision de Récit de Tokyo (traduction littérale du film), illustration maniérée en images d'un texte de Kiju Yoshida assez impressionnsite. Il ne voit par exemple dans Voyage à Tokyo qu'une :

"… continuité anarchique d'images et de sens. On ne sent alors que le temps qui s'écoule minute par minute. Le jeu des acteurs nous refuse toute empathie et toute émotion réservées au travail de la caméra auquel Ozu apportait un soin pointilleux. Il ne recherche pas directement la beauté mais pose au contraire des énigmes se présentant comme des expressions insolites difficilement compréhensibles. Tout cela donne un visage étrange et éphémère à cette réalité au comble du désordre et établit pour sauver les apparences un jeu purement fictif inévitable et sans alternatives. Là réside le pathos d'Ozu lui-même ; l'indescriptible et absurde sentiment... Peut-être n'aurait-on du rien dire du tout a propos du Voyage a Tokyo...Ozu ne pouvait faire autrement que jouer et de badiner avec le cinéma sachant mieux que quiconque qu'il n'était que mystification."

En revanche remarquable analyse de Paul Jobin, Kazuhiko Yatabe et Charles Tesson dans Jeux de rôles (27 min) qui insiste sur l'universalité des symboles utilisés par Ozu, en décalage avec la montée des revendications sociales de l'époque :

Voyage à Tokyo est réalisé deux ans après le Traité de San Francisco qui redonne sa pleine indépendance au Japon et un an après la guerre de Corée. Le film n'évoque pourtant que la seconde guerre mondiale. La ville est bien rangée sans cicatrice. Les blessures sont plus intimes et universelles, elles se rapportent à la perte des proches. Film situé dans les quartiers populaires et ouvriers (usines, cheminé) de Tokyo en reconstruction. Les mouvements ouvriers, les grèves ne sont pas évoqués. On ne pas pénètre pas dans les usines, on reste à l'extérieur. Pas de conséquences non plus pour les fumées qui sortent des cheminées. Or le japon est déjà sensibilité à la pollution. Mais chez Ozu le linge qui sèche dehors reste blanc et propre. Ozu n'est pas dans le registre du conflit social, de la plainte, de la revendication ou de la dénonciation. Après la mort de Tomi, Shige demande à conserver le kimono de sa mère. Elle a une demande utilitaire, elle compte s'en servir. Noriko reoit la montre de sa belle-mère, c'est du passé, un autre temps qu'il faut garder. Ozu n'est pas un cinéaste des années 50 mais un cinéaste tout court. Les personnages portent les cicatrices du temps. Pudeur et courtoisied' Ozu avec ses acteurs : "Tu n'es pas supposé ressentir, tu es supposé faire". il impose un cadre très précis et des gestes qui ne le sont pas moins : plus il était précis avec l'enveloppe plus les sentiments intérieurs arrivaient. Impudeur d'Ozu à filmer les visages de près ce qui n'est pas conforme au code japonais de la distance, ne pas se parler face à face. Ce besoin du gros plan brise un tabou japonais...."

 

Carlotta-Films
 
présente
 
Voyage à Tokyo de Ysujiro Ozu