Editeur : Carlotta-Films, octobre 2009. 5 DVD. Nouveaux masters restaurés DVD1 : Blaise Pascal (Français, 2h04). DVD2 : Augustin d'Hippone (Italien,1h55). DVD3 : Descartes (Italien 2h35). DVD4 et 5 : L'âge de Cosme de Médicis (4h04, anglais). Sous-titres français. 50 €

Suppléments:

  • DVD 1 : Préface d'Aurore Renaut (8 mn). Premier film (0h24). Pierre Arditi évoque le tournage de Blaise Pascal et revient sur sa rencontre avec Roberto Rossellini. Les coulisses de Blaise Pascal (0h31), un film de Claudio Bondì Un document rare sur le tournage de Blaise Pascal ponctué d’entretiens avec Roberto Rossellini.
  • DVD 2 : Préface d'Aurore Renaut (9 mn). Roberto Rossellini (2001, 63 mn), un film de Carlo Lizzani sur la filmographie de Roberto Rossellini agrémenté de nombreux entretiens avec François Truffaut, Martin Scorsese, Ingrid Bergman et Isabella Rossellini.
  • DVD 3 : Préface d'Aurore Renaut (7 mn).
  • DVD 4 et 5 : Préface d'Aurore Renaut (7 mn). Entretien avec Adriano Aprà et Renzo Rossellini (0h24), Une conversation entre Adriano Aprà, auteur de Roberto Rossellini, la télévision comme utopie et Renzo Rossellini, producteur, autour de l’oeuvre télévisuelle du cinéaste.
Valère intronisant Saint Augustin comme evêque d'Hippone puis Cosme de Médicis et son frère Laurent

Dans l'excellent film de Carlo Lizzani donné ici en bonus de ce coffret indispensable, Isabella Rossellini propose de classer la filmographie de son père non pas en fonction de l'ordre chronologique mais des périodes de l'histoire auxquelles il s'est intéressé. On aurait ainsi L'âge de fer (1965), Socrate (1970), Le Messie (1975) Les actes des apôtres (1969), Augustin d'Hippone (1973), Cosme de Médicis (1973), Saint François d'Assise, Blaise Pascal (1972), Descartes (1974), La prise de pouvoir par Louis XIV (1966), Viva l'Italia (1961) bien avant les films sur la seconde guerre mondiale et l'Italie contemporaine.

La curiosité intellectuelle de Rossellini va de pair avec le sentiment très vif d'appartenir à la communauté des hommes- qui ne connaît aucune limite- tout en étant confronté à une éternelle solitude. On découvre ainsi dans ces quatre films la volonté d'incarner une époque dans toute sa splendeur mais aussi sa radicale étrangeté. Rossellini refuse ainsi le jeu d'acteur qui permettrait une identification trop facile avec un personnage qui perdrait alors sa singularité. De même Rossellini use beaucoup des textes contemporains de ses personnages moins pour leur contenu pédagogique que pour faire entendre la pensée à l'oeuvre.

Préfaces très éclairantes d'Aurore Renaut, enseignante à Paris VII.

Préfaces d'Aurore Renaut (8 mn)

 

Blaise Pascal. Rossellini s'était déjà intéressé à l'histoire avec la seconde guerre mondiale mais aussi Garibaldi à Louis XIV à saint François a réalisé une série sur les actes des apôtres et un film sur Socrate. Il s'agissait toutefois d'artistes ou de philosophe. Il s'attaque ici à un philosophe scientifique.

Rossellini a accepté de mettre en scène un Blaise Pascal pris entre angoisse scientifique et piété religieuse. C'est un sujet qui lui a été imposé et dont il se sent assez éloigné jusqu'à ce qu'il découvre que Pascal, comme lui, était victime de terribles mots de tête.

Le film est tourné en Italie avec un casting italien et un acteur français inconnu, Pierre Arditi qui a alors 24 ans. Il aura la rude tâche de donner un corps de cinéma à une pensée à un philosophe que son œuvre atteint physiquement.

Le film coûte assez cher notamment pour construire les machines. Rossellini ne cherche pourtant pas à expliquer le fonctionnement de la machine à calculer. Montrer est le plus important. C'est au spectateur ensuite de chercher les explications scientifiques dans les livres.

Rossellini utilise une caméra 35mm couleur alors que la télévision diffuse en noir et blanc et est entouré d'une équipe de quarante personnes. La rapidité de tournage exigée par la télévision ne lui pose pas de problème. Il ne lui faut que dix-sept jours pour réaliser deux heures de film. Il ne regarde pas les rushs : "les erreurs font partie du processus de fabrication" dit-il.

Le film connaît un énorme succès. Lors de son passage à la télévision en 1972, il est vu par seize millions de spectateurs. Avant d'avoir vu le film, seulement 1 % des italiens connaissaient Blaise Pascal. Ils seront 45 % après la diffusion de la première partie et la curiosité grandira pour les œuvres du XVIIème français.

 

Augustin d'Hippone. Augustin est un converti, comme le sera Pascal. Comme pour son saint François, Rossellini situe l'action bien après la conversion. Augustin a eut une vie dans le siècle avant de rentrer en religion. Il a commis de mauvaises actions : il a volé des poires par pure malice, il a connu des femmes et a eut un enfant. Il a côtoyé les hérétiques.

Augustin est le plus important des pères de l'église. Il effectue la synthèse entre la pensée antique et la pensée chrétienne. Rossellini a l'impression de vivre la fin d'une civilisation comme Augustin au 4eme siècle après J. C., en Afrique romaine menacée par les invasions barbares et la décadence. Les Romains ont abandonné la vertu pour la richesse, la corruption et le vice. Le christianisme n'a pas encore triomphé. Il n'y a pas d'explication des hérésies du manichéisme et du donatisme, juste une présentation. C'est au spectateur d'aller plus loin. Saint augustin indique le chemin d'une nouvelle civilisation. "Notre civilisation touche à sa fin" est une phrase qu'aurait pu dire Rossellini.

La scène des travestis dialogue avec Le Satyricon réalisé par Fellini trois ans auparavant. Rossellini engage pour le rôle d'Augustin, Dary Berkani, un jeune cinéaste berbère. Il retrouve ainsi une représentation plus proche de celle d'Augustin dont le père était romain mais la mère numide.

Au temps d'Augustin, il faut porter les idées. Le premier plan est ainsi celui d'une route. On parle, on lit beaucoup. Le scénario use beaucoup du copier-coller des textes pris à la lettre et récités par les acteurs. Les ruines des citées romaines, Pompeï, Herculanum suffissent à Rossellini sans qu'il ait besoin d'aller en Afrique. Cela donne une idée suffisante d'un décor antique.

Au début des années 60, Rossellini a mis au point un zoom optique monté sur un trépied et relié à la caméra par un câble. Avec une manette, Rossellini peut ainsi manier le zoom à distance. Il guide le spectateur sur ce qui faut voir.

 

Descartes. Ce film clôt la trilogie française et les productions de Rossellini pour la télévision. C'est une coproduction ORTF-RAI. Le tournage se fait en français alors que tous les acteurs sont italiens. Le film n'est pas accepté par la télévision française. Il n'existe plus aujourd'hui que la version doublée en italien. On peut lire des mots de français sur les lèvres des acteurs

La rencontre Descartes et Pascal avait fait l'objet d'une séquence dans le Blaise Pascal. Pascal y avait les traits déjà vieillis qu'on lui connaît sur le célèbre tableau de Frans Hals. Rossellini le filme ici beaucoup plus jeune. Descartes s'oppose à la scolastique et mène la science vers la raison. Rossellini a comme d'habitude besoin d'une entrée personnelle pour s'approprier le personnage. Comme Rossellini, Descartes est un personnage paresseux qui passe une bonne partie de sa vie de lit en lit Ici. Rossellini se sert d'une remarque philosophique "Je veux assurer ma démarche" pour la transposer au sens propre. Pascal a peur de tomber. La servante aussi introduit une dose d'humour.

Rossellini demande aux non professionnel de ne pas jouer leur rôle, de ne pas interpréter. Rossellini veut décaper les artifices de l'acteur. Les personnages ne sont pas nos contemporains. Il n'y a pas de raison de s'identifier à eux. Il s'agit moins de fournir un abrégé de la philosophie de Descartes que de susciter une envie de savoir chez le spectateur.

 

L'âge de Cosme de Médicis. Le film, financé par la RAI, est tourné en 72 avec des acteurs italiens mais en anglais car Rossellini voulait le vendre à la télévision américaine. Le tournage a lieu à Goubio en Ombrie, à Florence, Venise et Caregie dans la villa Médicis.

Cosme de Médicis le banquier et Leon Batista Alberti, artiste total : écrivain, peintre, philosophe, architecte, théoricien de la perspective en sont les personnages principaux. Cosme l'ancien, dont l'image nous est connue à travers le tableau du Pontormo avait un nez très allongé que Rossellini s'acharna à chercher jusque dans une boite de nuit où il trouva l'incarnation de son personnage dans un des caissiers... qui avait joué un petit rôle dans Le Satyricon de Fellini.

Pour Rossellini, le cinéaste auteur n'a plus cours. La véritable tache du réalisateur est en toute humilité d'être un serviteur de la société. Son traitement de l'histoire est proche de celui de l'école des annales. Il cherche à restituer la vie quotidienne, l'histoire des mentalités, à nous faire penser comme on pensait à l'époque. Il met de côté l'histoire des batailles et ne donne jamais aucune date pour s'attarder sur les procédures électorales, et les impôts.

Rossellini n'occupe pas la place du professeur le chemin doit être fait aussi par le spectateur qui est invité à se perdre dans la Florence du XVeme. C'est une expérience de l'histoire qui se vit sur le mode d'un voyage dans le temps.


Premier film (24 mn)

Pierre Arditi raconte comment, contre toute attente, il a été engagé par Rossellini pour le rôle de Blaise Pascal. Il évoque le tournage et la difficulté d'avoir pour partenaire des acteurs ne parlant pas français. Un entretien exclusif dirigé par Alain Bergala, réalisateur et enseignant à La Fémis.

Roberto Rossellini (1h03, 2001)

Dans le musée du cinéma de Rome, le cinéaste Carlo Lizzani analyse l'oeuvre de Rossellini avec beaucoup de finesse. Le documentaire comporte des images d'archives où s'expriment François Truffaut, Ingrid Bergman et Federico Fellini et des interviews contemporaines (2001) de Martin Scorsese, Isabella Rossellini, Amadei, Alfonsino, l'acteur enfant de Paisa.

Ingrid Bergman découvre Rome ville ouverte dans un cinéma à Hollywood mais dit avoir été définitivement convaincue de l'immense talent de Rossellini en voyant Païsa. Pour Truffaut, une grande force de Rossellini est de n'aimer rien qui soit seulement astucieux. Fellini dit que Païsa avec ses voyages en Sicile, Naples, Florence et les marécages du Pô lui ont permis de connaître son pays.


Après une rapide mise en situation dans le quartier aisé de Rome, via Veneto, où est né Rossellini et un extrait de Fantaisie sous-marine, un des premiers documentaires de Rossellini, Carlo Lizzani aborde l'oeuvre de Rossellini.

Le navire blanc montre le travail de la croix rouge marquant l'intérêt de Rossellini pour les activités humanitaires. Il conserve le plus possible des dialectes des interprètes non professionnels . Si l'esthétique est classique, certains plans font penser à une influence d'Eisenstein.

Un pilote revient raconte les tentatives d'évasion d'un pilote italien, prisonnier des anglais en Grèce. Il comporte de longs plans séquences et une vision de la guerre tel un chaos qui s'abat sur tous qui en fait un film précurseur de Païsa.

L'homme à la croix raconte les vicissitudes d'un aumônier militaire en Russie. Le thème de la présence italienne sur ces terres n'est pas abordé. Rossellinien le thème de la guerre,comme une épidémie, qui touche les civils comme les militaires et face à elle, les ressources infinies de l'être humain.

Allemagne année zero, sans acteurs connus, ni personnage consolateur fut un film très difficile à produire. Rossellini obtient l'aide de l'UGC et rédige son scénario à Paris. Il est informé par Marlène Dietrich, revenue en Allemagne avec les troupes alliées, des conditions de vie dans ce pays qui sort de la guerre. Le tournage se fait à partir d'un découpage de quinze pages seulement, extrêmement cadré dans sa signification, mais laissant une part à l'improvisation.

C'est avant tout l'histoire d'un seul personnage, le petit Edmund, que veut raconter Rossellini. Dans une société désintégrée par le nazisme, l'instituteur, intellectuel irresponsable lui enseigne qu'il faut obéir aux lois élémentaires de la survie : éliminer les faibles pour sauver les forts. Ainsi, il tue son père malade, fardeau de la famille. Abandonné par celui qui est à l'origine de cet enseignement, Edmund se résout au suicide.

C'est à Maiori, sur la cote amalfitaine où fut tourné l'épisode sicilien de Païsa et où Rossellini trouva dans ce village de pêcheurs, le jeune acteur Alfonsino pour l'épisode napolitain de Païsa, qu'est tourné l'épisode du Miracle qui fait pendant à La voix humaine où Magnani jouait une bourgeoise pour le film en deux parties, L'amore. Nanni prend un vagabond pour la réincarnation de saint Joseph. Elle tombe enceinte persuadée de porter l'enfant Jésus et devient la risée du village

Dans Jeanne au bûché d'après l'oratoire de Claudel sur une musique de Honegger, Rossellini aime opposer la dimension de l'ensemble à la solitude de chaque être vivant.

Le dernier projet d'envergure de Rossellini, qui dirige le centre expérimental de cinéma à Rome et enseigne à Huston, était une biographiede Karl Marx, écrite avec Silvia d'Amico, qui devait s'intituler Travailler pour l'humanité.


 

 
présente
 
Encyclopédie historique de Roberto Rossellini