Carlotta-Films
présente, également disponible dans le Coffret Douglas Sirk

Editeur : Carlotta, novembre 2007. Nouveau master restauré. Format : 1.85. VO VOSTF & VF mono (1h59). Prix public conseillé : 25 €.

Suppléments sur DVD 2 :

 

Lora Meredith, jeune veuve désireuse de devenir comédienne, fait la connaissance d’Annie Johnson, une femme noire dont la fillette, Sarah Jane, a la peau blanche. Sarah Jane et Susie, la fille de Lora Meredith, se lient d’amitié et posent sur la plage de Coney Island pour le photographe amateur Steve Archer. Unissant leur infortune, Lora et Annie décident de vivre et d’élever leurs fillettes ensemble jusqu’à ce que le tourbillon du destin s’en mêle…

Considéré par Fassbinder comme étant le chef-d'œuvre de Sirk : "Un film grandiose et fou sur la vie et la mort. Et sur l'Amérique", Mirage de la vie fut à l'époque le plus grand succès commercial de Universal et le dernier film de Sirk réalisé à Hollywood avant son retour en Europe. Il résonne comme le film testament du cinéaste, à l'image de son bouleversant final.

Dans ce remake du film de John M Stahl (Images de la vie, 1934), l'action a été transposée mais le principe mélodramatique a été conservé. Dans le roman de Fanny Hurst, Laura Meredith est une chef d'entreprise. Elle vend des crêpes à Atlantic City et s'associe à la femme noire qui a une recette extraordinaire. Le film de Stahl possède une grande retenu stylistique. La théâtralité de cette version a été renforcée par le fait que Lora Meredith appartient au milieu du théâtre et devient une actrice célèbre.

Sirk utilise beaucoup la musique et déploie une véritable rhétorique cinématographique avec par exemple la scène du cabaret avec Sarah-Jane en femme offerte.

Avec le personnage de Sarah-Jane, le film reprend l'histoire de la mulâtresse tragique. Personnage clivé, condamnée comme noire à une vie subalterne, elle rejette sa mère et refuse la ségrégation. Dans le roman, elle tombe amoureuse d'un ingénieur et lui cache qu'elle est noire. Elle se fait stériliser pour qu'un enfant ne révèle pas la négritude et part en Amérique du sud. Cet acte est trop sensible en 1934 et disparaît du film de Stahl comme de celui de Sirk. On dit aussi seulement que le grand-père était très blanc. Le code d'autocensure interdit que l'on fasse allusion à des rapports sexuels entre blancs et noirs, entre maître blanc et esclave noire par exemple.

Dans la version de Stahl, Freddie Washington était techniquement noire et on a dû la maquiller pour qu'elle n'ait pas l'air trop blanche. Chez Sirk, Susan Kohner qui interprète Sarah-Jane est de père tchécoslovaque et de mère mexicaine. Cela est vu comme une régression dans la communauté noire. Sirk est assez maladroit en déclarant qu'elle n'était pas noire certes mais qu'elle était juive, façon de dire qu'elle avait une identité problématique.

 

Éclats du mélodrame : Stahl / Sirk (20 mn) Jean-Loup Bourget

Le mélodrame est une forme populaire  qui se définit d'abord par son intrigue qui comporte nombre de péripéties, d'événements providentiels ou catastrophiques qui affectent le destin de personnages qui sont souvent des victimes. Genre  qui ressort du pathétique avec identification du spectateur  qui ressent les drames des personnages. Le style est excessif, flamboyant et grandiloquent qui le rapproche de l'opéra. Le mélodrame dramatise aussi certaines questions sociales et politiques. Instrument de protestation qui ne débouche pas sur une remise en cause. La fin est souvent un happy end. Le problème racial Les deux femmes élèvent seules leurs enfants et mènent une vie professionnelle indépendante et les relations entre blancs et noirs

Le mélodrame vise surtout le public féminin. Il fait partie des women's films. Met en scène des femmes souffrantes interprétées par des stars avec lesquels l'identification se fait...  pour les spectatrices.  La présence de Claudette Colbert, grande star des années 30, assure aussi au film de Stahl un succès populaire important même si les critiques sont mitigés. Les mélodrames de Sirk connaissent un très grand succès populaire mais sont très déconsidéré par la critique qui y voit de grosses machines hollywoodiennes, des tire-larmes. Lana Turner a bati sa carrière sur sa sexualité plus que sur son talent dramatique.

Le film de Stahl possède une grande retenu stylistique qui sert le sujet. La conversation entre Lora Meredith et Annie Johnson semble être celle entre deux amies. Une fois finie, l'une regagne son étage noble alors que l'autre s'en va au sous-sol. Tout a été dit mais de manière dédramatisée. L'image est statique, pas très spectaculaire. Très différent chez Sirk qui utilise beaucoup la musique et déploie une véritable rhétorique cinématographique avec, par exemple, la scène du cabaret avec Sarah Jane en femme offerte.

Les deux films reprennent l'histoire de la mulâtresse tragique, histoire connue du Sud, éthiquement noire mais qui passe pour blanche du roman de Fannie Hurst. Personnage clivé, condamnée comme noire à une vie subalterne, elle rejette sa mère et refuse la ségrégation. Dans la glace, elle se voit blanche. Change d'une école blanche pour une école noire. Dans le roman, elle tombe amoureuse d'un ingénieur blanc  et lui cache qu'elle est noire. Elle se fait stériliser pour qu'un enfant ne révèle pas la négritude et part en Amérique du sud. Cet acte est trop sensible en 1934 et disparaît du film. On dit seulement que le grand-père était  de peau très blanche. Le code d'autocensure interdit que l'on fasse allusion à des rapports sexuels entre blancs et noirs, entre maître blanc et esclave noire par exemple.

Freddie Washington était techniquement noire et on a dû la maquiller pour qu'elle n'ait pas l'air trop blanche. Chez Sirk, Susan Kohner, qui interprète Sarah-Jane, est de père tchécoslovaque et de mère mexicaine. Cela est vu comme une régression dans la communauté noire. Sirk est assez maladroit en déclarant qu'elle n'était pas noire certes mais qu'elle était juive... façon de dire qu'elle avait une identité problématique.

Mirage de la vie par Christophe Honoré (15 mn)

Le film semble parler de réussite sociale et de rapports de classe mais le sujet reste obscur. Peut-être s'agit-il d'une Vanité au sens pictural. Le sujet pourrait être alors : qu'importe sa vie, l'important est de réussir sa mort. C'est ce que pourrait dire le final. Le générique sur les diamants indique qu'ils n'ont aucune importance. Ils s'accumulent comme de la terre jetée sur un cercueil.

Mais dans la peinture, la vanité comporte des symboles de la mort qui sont ici absents. En revanche sont montrés, tous les symboles de la réussite et du plaisir : vison, maison, cheval. Les plaisirs de Sarah-Jane, sans verser dans la débauche, sont plus sexuels.

C'est d'autant moins une vanité qu'Annie ne rentre pas humble dans la mort. Elle entre dans la mort dignement, tirée par quatre chevaux blancs et avec la fanfare. "Pas de deuil mais de la joie comme si j'allais vers la gloire" dit-elle.

Pour Christophe Honoré, Annie s'impose comme le diable. C'est une lecture bien différente du personnage humaniste et inattaquable de la communauté noire.

Le cinéaste s'interroge aussi sur le dernier plan. Le plan dans la voiture est-il vrai ? Lora va s'arrêter de faire du cinéma. Steve sera le pilier de la famille et les deux sœurs seront de nouveau réunies. On a alors là un beau chromo de la famille américaine. On a enlevé ce qui gênait, la couleur noire de la peau. Si le film semble courageux, au final la famille apparaît comme nettoyée de ce qui posait problème.

Les personnages passent leur temps à s'asservir d'où l'intérêt de Fassbinder. Une femme qui veut se mettre au service de cette autre femme. Le métier de Lora Meredith ne la conduit qu'à s'élèver de pas grand-chose dans la publicité. Et puis il y a la scène incroyable où elle dit au metteur en scène qu'il est trop bon pour écrire aussi mal. "Ah, comme vos m'intéressez" dit-il alors. Pour qu'il y ait asservissement il faut que ça résiste un peu.

La seule qui s'émancipe de l'imitation de la vie, la seule qui est dedans, c'est Sarah-Jane. Les autres sont des personnages intellectuellement vides. Seule Annie semble penser mais par calcul.

Née pour être blessée (45 mn) Sam Staggs

Sam Staggs, auteur d’essais sur Eve et Boulevard du crépuscule revient sur la genèse du film. Le film doit une grande part de sa valeur à la tension entre la base de départ faible et l'enrichissement visuel avec par exemple le coté blond de l'histoire et le coté brun, sombre.

Dans le roman de Fannie Hurst, Laura Meredith est une chef d'entreprise. Elle vend des crêpes à Atlantic City et la femme noire a une recette extraordinaire. Elles s'associent.

En 1953, Sirk rencontre le producteur Ross Hunter et ils feront ensemble leurs meilleurs films de 53 à 59. Seul le titre du roman convainc Sirk qui n'a pas lu le livre avant de se décider. Il convient à son sens de l'ironie. De fabricante de crêpes, Laura Turner devient actrice.

Images de la vie (1934) version réalisée par John M. Stahl.