Editeur : MK2, septembre 2007. Durée du film : 111’ - Durée du DVD 1: 149’ - Durée du DVD 2 : 50’ - Format Vidéo : 16/9 - Format image : 1.85 - Format audio : Version originale stéréo et version française - Sous-titres : Français

Suppléments :

  • Préface, par Luc Lagier 5’
  • Amours vagabondes, un film de Luc Lagier 20’
  • Bande-annonce
  • DVD 2 : Cinéma de notre temps un film de André S. Labarthe

 

Seymour Moskowitz, beatnik d'une trentaine d'année, est gardien de parking à New York. Il fréquente les cinémas, les cafétérias minables, les bars branchés ou non où il drague maladroitement. S'il réussit à échapper à la colère d'un yuppie qu'il a provoqué, il se fait tabasser dans un bar irlandais. Profitant de la générosité de sa mère, il met le cap sur le soleil, la Côte Ouest et Hollywood où il est de nouveau gardien de parking.

Minnie Moore s'ennuie et passe la soirée avec son amie Florence avec qui elle travaille au Musée d'Art moderne. Elle rentre saoul chez elle et y retrouve Jim, son amant, qui la tabasse parce que, dit-il, il est jaloux et il l'aime. Il n'en retrouve pas moins sa femme et ses trois enfants...

Minnie and Moskowitz suit la trame d'une comédie sentimentale classique, celle d'une rencontre improbable de deux êtres que tout oppose et qui se finit par un mariage.

Cette croyance dans le bonheur se révèle bien plus convaincante que celle proposée par Le lauréat réalisé quatre ans auparavant. Le film de Mike Nichols décrit la fin des croyances dans l'American way of life mais se montre assez conventionnel dans son dégoût de la sexualité au profit des fades amours des adolescents. Cassavetes ne sera pourtant jamais un héros de la contre-culture probablement parce qu'il ne cherche pas à opposer le monde bourgeois de Minnie et celui des marginaux fréquentés par Moskowitz. Si Cassavetes ne cache pas la violence qui peut sourdre à tout moment dans la société américaine, il capte aussi le bonheur du mélange des genres avec une mise en scène faite de grands blocs de séquences où les êtres se révèlent par les attitudes de leur corps autant que par leurs discours.

La violence des mâles

Si le film démarre sur le ton de la comédie avec les dragues extravagantes de Moskowitz, il manque de virer au tragique lors du passage à tabac de Minnie par Jim. La violence verbale de Zelmo, d'abord amusante, devient vite incontrôlable. Moscowitz lui-même se tape la tête contre les murs mais il ne s'en prend jamais qu'à lui et notamment à sa moustache. Il se fera d'ailleurs tabasser par l'ami bourgeois de Minnie en n'ayant réussit à ne décocher qu'un droit... sur Minnie qui s'écroule alors dans un grand geste burlesque.

Le bonheur est possible

Malgré cette violence, Minnie and Moskowitz est bien une comédie, la seule réalisée par Cassavetes. Le film s'ouvre et se clôt sur deux marqueurs symboliques d'un bonheur possible. Ce sont d'abord les cartons du générique à l'écriture incurvée désuète qui semble vouloir retrouver le ton des comédies des grands studios. Puis se sera, à la fin, la présence d'enfants venus dont on ne sait où au mariage de Minnie et Moskowitz. Ces enfants heureux donnent la morale en forme de conte de fée du film, celle du il vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Cassavetes ne croit pas que le cinéma soit condamné à mentir aux gens en leur promettant le bonheur. Certes Minnie déclare à son amie Florence :

" Tu sais, je crois que les films sont une conspiration. Je te jure. Les films sont une conspiration parce qu'ils te conditionnent. Dès que tu es toute petite ils te préparent à croire à tout. Ils te préparent à croire aux idéaux, à la force et aux mecs bien, et bien sûr à l'amour. Et toi, eh bien, tu y crois. Tu grandis, tu sors, tu commences à regarder autour de toi, et rien ne se passe. Tu continues, tu prends un boulot. Tu commences à prendre du temps pour arranger les choses, tu soignes le décor de ton appartement… Tu essaies d'être féminine…Mais Charles Boyer n'arrive pas. Moi je n'ai jamais rencontré Clark Gable, encore moins Humphrey Bogart. Je n'ai jamais rencontré aucun d'entre eux, tu comprends, parce qu'ils n'existent pas. Mais les films te préparent à croire à tout ça et tu y crois.

On remarquera d'abord que les deux films que vont voir séparément Moskowitz puis Minnie se terminent mal. Dans Le faucon maltais, Sam Spade fait condamner celle qui l'aime et qu'il aime sans doute au nom de l'éthique et, dans Casablanca, Rick se sacrifie. Minnie semble se complaire dans ce fatalisme et se cache derrière ses lunettes noires dès que la vie ne se montre pas sous le jour romantique qu'elle souhaite. Moskowitz trouve en Bogart un modèle auquel il s'efforce de ressembler. A défaut de se comporter avec la classe de son héros cela lui permet de comprendre Minnie : "Manger une glace c'est comme se donner rendez-vous sous un coucou : être capable de tout faire pour toi ". Il mangera néanmoins sa glace d'une grosse bouchée qui fera grimacer de dégoût Minnie.

Dans Le port de l'angoisse, que Minnie et Moskowitz voient ensemble, Marie (Bacall) et Harry (Bogart) partent ensemble. Le film est entendu off, Minnie et Moskowitz ont remplacé leurs héros : Moscowitz à déclaré à Minnie qu'elle ressemblait à Laureen Bacall de profil. Ce à quoi, elle répond aimer ses jambes poilues. Le corps au milieu de la romance.


L'étrange beauté de leur relation, Cassavetes l'avait déjà exaltée avec la musique du Beau Danude bleu alors qu'ils parcourent les rues la nuit en camionnette. On notera aussi la déclaration d'amour au matin alors que Moskowitz vient de reconduire la prostituée. L'acceptation de l'étrange et de l'inattendu c'est aussi le baiser accodé sur le parking alors que tout va mal, les lunette que Minnie retire au snak quand Moskowitz lui dit : "Vous n'êtes qu'une jolie fille, c'est déprimant les gens qui se prennent au sérieux". C'est Moskowitz marchant sur les mains où déclarant que Minnie lui fait oublier de pisser ou encore quand il se coupe la moustache par inadvertance, presque emporté par son élan amoureux. C'est toujours le corps qui donne des preuves d'amour.

 

J.-L. L. le 20/09/2007

 

Amours vagabondes, un film de Luc Lagier 20’

Luc Lagier s'appuyant sur le documentaire de Labarthes revient sur les conditions de tournage de Faces : six mois de tournage, trois ans de finition et une maison hypothéquée. Il explore le motif de l'escalier que l'on retrouve dans beaucoup de films de Cassavetes et qui symbolise pour lui son cinéma, étagé, fait de contrastes, de lieu de passage, fait de haut et de bas, de brusques passage d'un niveau à l'autre

Luc Lagier repère dans Minnie and Moskowitz l'absence de conteste historique en pleine guerre du Vietnam et de règne de la contre-culture, un film plus classique et moins sombre de Cassavetes, une screwball comedie à l'ancienne avec un filmage particulier : quelques plans larges, beaucoup de plans serrés et rien au milieu.

 

Cinéma de notre temps un film de André S. Labarthe

1965. André S. Labarthe et Hubert Knapp partent à Hollywood pour tourner deux documentaires. Parallèlement, ils décident de rencontrer John Cassavetes, le futur chef de file du jeune cinéma indépendant américain. En 1968, ils retrouvent Cassavetes à Paris à l'occasion de la sortie de Faces. De ces rencontres improvisées va naître l’un des films mythiques de la série Cinéma, de notre temps. (voir : photogrammes)

Los Angeles 1965 : Labarthe accompagne John Cassavetes qui conduit sa voiture sur les hauteurs de Los angeles. Cassavetes n'aime guère cette ville qu'il trouve dépeuplée car il n'est possible de se voir que sur rendez-vous. A une question de Labarthe qui l'interroge sur son désir de faire un musical hollywoodien Cassavetes répond par l'affirmatif. Il pense adapter en musical Crimes et châtiments

Difficulté pour monter le film... "C'est un inconvénient du cinéma fauché, fait de manière non professionnelle mais nous préférons ça (…) faire un film libre. Nous ignorons s'il est bon. Mais cela vaut la peine, cette année sans salaire, pour exprimer quelque chose. Si l'on ne s'amuse pas, on crève."

Assumer le rire en plein drame. Etre capable de filmer les joies : c'est tellement mieux que les soucis (politique, religion) qui nous font perdre tant de temps.

Eviter l'autocensure et trouver une vérité intime ; pour cela travailler sur un sujet dont la vérité nous échappe un peu.


Paris 1968 : La première version de Shadows résulte de 4 mois de tournage improvisé. Le film a commencé par une collecte lancée dans une émission de radio,The night people show de Gene Sheppard à 1h00 du matin. Le lendemain, Cassavates reçoit 2 000 billets de 1 dollar et se retrouve derrière la caméra à filmer des improvisations (sur un schéma rodé- le film n'était pas écrit) ; des scènes autour de la vie d'une famille noire à new-yorkais. "Je croyais dit-il tenir un outil magique pour filmer des impressions ; de ce que sont les gens plutot que leur vie intérieure".

Le soir de la première la salle était comble mais rapidement toutes les personnes sont parties sauf un critique, un ami qui a trouvé le film merveilleux bide irréparable. Papatakis prête 2 000 dollars et des amis encore 13 000 dollars pour continuer et permettre 10 jours de tournage supplémentaires. La première version a été montrée à des cinéphiles qui l'ont trouvé merveilleuse et le bruit a couru que la seconde version était plus commerciale. Mais Cassavetes préfère les 10 jours du nouveau tournage aux quatre mois.

Faces est réalisé neuf ans plus tard. L'esprit créateur engendre de nouvelles idées. Au début, Cassavetes dit n'avoir pas eu grand chose à dire et à la fin il a plein de choses, trop de choses. Le 1er brouillon fait 265 pages et retrace seulement la moitié du film. Il le commence alors même s'il devait durer 10 heures. "On a fait ce film commencé avec 10 000 dollars mais qui en nécessita 200 000".

 

Mk2
 
présente
 
Minnie et Moskowitz de John Cassavetes