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Mikey and Nicky de Elaine May

DVD Mikey and Nicky  par Carlotta-Films

Editeur : Carlotta-Films. Mars 2008.

Supplément :

Nicky apprend que la mafia a mis sa tête à prix après avoir volé le parrain. Il appelle Mickey qui comme toujours vient le tirer d'affaires. Mickey l'aide à surmonter sa paranoïa et son angoisse. Il réussit à le sortir de l'hôtel où il se terre et propose un plan pour s'enfuir. Mais Nicky n'arrête pas de changer d'avis et maintenant un tueur est à leurs trousses. Alors qu'ils doivent sauver leur peau, les deux amis s'interrogent sur la trahison, le regret et le sens de leur amitié...

 

Analyse de Vincent Amiel

Pour Vincent Amiel, Mikey and Nicky appartient à ce cinéma méconnu, hybride, à la fois moderne et classique, des années 70. Il est moderne car pas découpé, se déployant dans la durée et laissant une grande liberté aux acteurs. Il s'inscrit aussi dans la durée avec un minimalisme de la dramaturgie.

Mais il est classique aussi par sa structure narrative très contrôlée, son montage parallèle, son suspens relancé par des informations données au bon moment. Le film est en définitif plus proche de Hitchcock que de Cassavetes, très loin en tous les cas de Meurtre d'un bookmaker chinois

Cette façon de travailler la modernité et le classicisme est caractéristique des années 70. Ce n'est pas un cinéma de rupture comme le cinéma européen. C'est une modernité de continuité

Elaine May est une femme de théâtre. Ses mises en scène sont très célèbres. On retrouve ici le travail sur la mise en espace ou les relations de proximité. Il s'agit de trouver une place dans l'espace urbain, dans ces avenues désertes loin de la ville grouillante et agressive

Cassavetes et Falk sont des acteurs physiques avec force gestuelle, leur complicité, sur une indication, ils développent toute une séquence : des corps qui permettent une violence de leur mouvement tout en gardant une opacité dans leur expression. Ils ne sont pas armés pour jouer la méfiance, l'abandon de l'amitié, la revanche. Leurs corps ne savent pas dire la méfiance, le mensonge, l'adultère. Le propre du corps est d'être sincère quand les personnages ne le sont pas. Leur travail corporel est relayé par la mise en scène : c'est la ville, le jeu des portes et des cadrages qui prennent le relais. La mise en scène répond à une autre logique que leur jeu. C'est la mise en scène qui traite des rapports complexes de psychologie.

Le film est très écrit, influencé par le jeune théâtre américain, vivace dès les années 50. Les scènes les plus absurdes sont les plus écrites comme la très artificielle scène avec le chauffeur du bus. On est là dans le style précieux, maniéré et absurde du théâtre contemporain.

Travail de l'acteur de Elaine May est un travail de métissage entre la préparation et la liberté du tournage. Importance du montage travail après coup sur les personnages très loin de la conception de Cassavetes pour qui il y a suppression du personnage au profit du corps. Proches au début, le montage parallèle les marginalise progressivement. Il y a dans leur séparation quelque chose de suicidaire.

Travail de cadrage et de surcadrage quand éloignement des personnages de la caméra. Il y a une logique de dispositif scénique. La caméra garde ses distances sans approche charnelle. La grande proximité des personnages n'est pas revendiquée par la caméra

La liberté de ton, symptomatique du jeune cinéma indépendant de l'époque, rappelle celle de Taxi driver ou de Husbands, films qui ont bénéficié de la carrière de leur réalisateur par la suite.