Editeur : Carlotta-Films. Mai 2012. Nouveau master restauré HD Version Originale. Sous-Titres Français. Durée du Film : 2h07. 15 €

Suppléments :

  • De l’art de bien mourir (5 mn) Une introduction historique sur la féodalité et la culture japonaise au coeur de l’ère Tokugawa, lorsque la société était organisée de façon stricte en quatre classes : les guerriers, les paysans, les artisans, et - au bas de la hiérarchie - les marchands. .
  • Entretien avec Christophe Gans (30 mn) Cofondateur et membre de la revue Starfix, scénariste, cinéaste et directeur de la collection HK Vidéo, Christophe Gans ouvre les portes de sa cinéphilie, revient sur les codes du chambara et sur l’impact de Harakiri dans le cinéma japonais des années 60 au cours d’un entretien inédit
  • Bande annonce.

 

Au XVIIe siècle, le Japon n’est plus en guerre et le pays est dirigé avec fermeté. Hanshirô Tsugumo, un rônin (samouraï errant) sans travail parmi tant d’autres, décide de frapper à la porte du puissant clan des Ii. Reçu par Kageyu Saitô, l'intendant du clan, il lui demande la permission d'accomplir le suicide par harakiri dans la résidence. Tentant de l’en dissuader, Saitô commence alors à lui raconter l’histoire de Motome Chijiwa, un ancien rônin qui souhaitait accomplir, lui aussi, le même rituel…

 

De l’art de bien mourir, de Fabien Ricour-Lambard (2006, 5 mn)

Texte de Claire-Akiko Brisset avec des illustrations des Musée national de Tokyo et Musée Tokugawa.

1630, au milieu de l'été après des siècles de guerres civiles, le Japon connaît enfin la paix. En 1600, Tokugawa remporte une victoire décisive, réunifie le pays et établit le siège de son gouvernement à Edo, la future Tokyo. Dernière dictature militaire du pays, celle de shogun Tokugawa avec une société organisée de façon stricte en quatre classe, les guerriers, les paysans, les artisans et tout, en bas les marchands.

Tout en haut, le samouraï. Leur domination est symbolisée par les armoiries et les deux sabres. Le sabre long destiné à tuer l'ennemi est forgé dans un acier d'une qualité exceptionnelle. C'est une arme redoutable même après l'introduction des armes à feu par les occidentaux au milieu du XVIe. Le sabre court est réservé à un usage très particulier, le suicide rituel, le seppuku, attesté au milieu du XII. Il sert à montrer la force physique et morale du guerrier. Inventé à l'origine dans des situations de combat, il s'est progressivement ritualisé au cours du moyen âge. A l'époque d'Edo il est tenu pour la preuve de la supériorité des guerriers sur les autres ordres sociaux

La cérémonie est très stricte. Quand il s'agit d'un acte volontaire, on peut accomplir ce devoir seul ou se faire accompagner par un assistant, le keichaku (?). Apres avoir pris un bain pour se purifier, le guerrier revêt des habits rituels strictement réservés à cet usage et s'installe dans un espace réservé à cette circonstance. L'aide attend que le ventre soit fendu en croix avant d'aider le supplicier en lui coupant la tête. Quant le samouraï était condamné, le sabre pouvait être émoussé et la décapitation retardée afin de rendre la souffrance plus grande. A l'inverse on pouvait aider le condamné en le décapitant au moment où il tendait la main pour saisir l'arme qui pouvait être remplacée par un substitut symbolique, un sabre de bois par exemple. Et même la cette mort restait théoriquement noble car le condamné se soumettait volontairement au châtiment au contraire de toute autre forme de peine capitale. Solitaire ou accompli devant l'élite militaire, cette fin était l'un des privilèges de la classe dominante. Les deux sabres symbolisent ainsi la supériorité du guerrier qui ne s'en sépare jamais.

On en peut se présenter en public sans chignon sous peine de déshonneur. Passer une partie de l'année à Edo dans une résidence entretenue à leur frais et ne jamais procéder à des travaux dans leur forteresse dans leur fief fragilisé économiquement et militairement le château est rasé et le clan dissout ce qui prive de leur emploi des milliers de guerriers. Certains ne survivent pas, d'autres deviennent des rônins, des serviteurs sans maitre. Ils peuvent se mettre au service d'un autre maitre mais en temps de paix l'offre est rare. Ils peuvent devenirs artisans ou professeurs ou des voleurs, assassins ou mercenaires. Le bushidô s'apprend dans des académies sans connaître le combat leur formation brillante est toute théorique.


Entretien avec Christophe Gans (30 mn)

Le film a connu le succès en France au début des années 70 grâce à celui de Rashomon et du cinéma japonais en général connu et apprécié pour son extrême cruauté très différente de celle du cinéma occidental. Cette cruauté possède une puissance transgressive égale à celle de Sade. Elle sert à mettre en accusation une société.

Le film est ainsi connu pour sa célèbre scène de hara-kiri exécuté avec un sabre de bambou et le sanglant duel final. Ces morceaux de bravoure ne doivent pourtant pas faire oublier la critique sociale, philosophique et humaniste adressée ici par Masaki Kobayashi dans le contexte du début des années 60. La gauche et les étudiants protestent alors contre la reconduction du "pacte de sécurité" entre les Japonais et les Américains, continuité de la sorte de protectorat américain que ceux-ci ont imposé au Japon après la défaite et qui fait de ce pays une immense base militaire qui leur permet de contrôler le pacifique.

Le début des années 60 est ainsi au Japon une sorte de prè-1968 dont rendra également compte Nagasi Oshima dans Nuit et brouillard au Japon. Ce à quoi s'attaque Masaki Kobayashi dans ce film en costume, c'est à la confiance dans un gouvernement. Est-ce que nous pouvons avoir confiance dans les choses qui nous dirigent ?

Masaki Kobayashi met en accusation la construction pyramidale de la société. Dans ce film, il n'y a pas comme dans les films de sabre classique un méchant désigné qui se bat bien. Là, le monstre, c'est l'état féodal. Celui-ci est représenté dès les premières minutes du film par une armure vide qui représente l'honneur d'un clan. Cette armure est le symbole du pouvoir : quelque chose qui a l'air fort et qui est vide de toute humanité. Lors du combat final, le héros va s'en emparer et la traîner pour désacraliser cette représentation de l'état féodal dans ses règles et ses codes les plus incroyables dont le plus cruel est le hara-kiri.

Le film s'ouvre par l'image d'un livre, celui du compte-rendu officiel par le clan Li de cette journée. Masaki Kobayashi va opposer sa fiction humaniste à l'histoire officielle. L'histoire officielle n'aura pas noté la révolte du ronin. Elle mentira et dira que deux ronins se sont fait hara-kiri dans la cour en omettant le pathétique, la pauvreté et la vengeance. L'histoire ne gardera aucune trace de la voix de ces hommes. La société fait tout pour tout remettre en place. L'armure souillée de sang est remise en place et personne ne se souviendra de ce qui s'est passé ce jour là.

Masaki Kobayashi et son scénariste Shinobu Hashimoto (celui de Rashomon ou des Sept samouraïs) placent l'action dans l'ère Tokugawa, 250 ans avant l'ère Meiji. L'état féodal est alors à son maximum d'autoritarisme. Il n'y a plus de guerre entre les seigneurs qui se partagent le Japon. Tout est pacifié. Les codes sont acceptés par tous, servilement et sans interrogation. C'est de cette aliénation dont parle le film.

On est bien loin de la vision romantique et chevaleresque de l'homme d'épée emprunt de nostalgie des films de samouraï placés habituellement dans l'ère Meiji. Dans cette deuxième moitié du XIX quand l'empereur va être restitué s'ouvrira le début de la modernité avec notamment l'interdiction de porter un sabre dans la rue. C'est au moment où il quitte la scène que s'opère cet instant privilégié de la romantisation du samouraï, vision finalement réactionnaire, à laquelle n'adhère bien évidement pas Masaki Kobayashi.

 

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Harakiri de Masaki Kobayashi